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Le chat botté

Antonin Dolohov
Antonin Dolohov
MessageJeu 21 Oct - 14:38

✤ Anikeï Kotov ✤

  • Âge écrire ici
  • Métier Pêcheur
  • Conte d'origine Le chat botté
  • Royaume écrire ici
  • Localisation écrire ici
  • Groupe Sextant
  • Avatar(s) Aneurin Barnard (Aslaug)
Petites précisions supplémentaires à savoir sur votre personnage et qui n'auraient pas trouvé leur place ci-dessus.
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Physique & Caractère

Anikeï avait à peine six ans qu’il avait déjà passé plus de temps sur la barque de pêcheur de son père que sur la terre ferme. Comme ses frères avant lui, comme son père et son grand-père, il était destiné à devenir un simple pêcheur, et à le rester. De toutes les manières, quelles opportunités pouvaient bien s’offrir à lui, qui savait différencier plusieurs espèces de poissons mais pas écrire ou lire, ne serait-ce que son propre prénom ? Mis à part espérer pouvoir épouser une fille de meilleur condition sociale, son avenir resté limité à la barque et au lac. Son père, ses frères avaient accepté cette situation, elle était encrée en eux. Pêcheurs ils le seraient jusqu’à ce que la mort ne vienne les frapper.

Mais Anikeï, à peine haut comme trois pommes, rêvait déjà d’une autre vie, meilleure. Il rêvait de châteaux et de beaux habits comme ceux des seigneurs qui venaient parfois visiter le village, s’imaginait voyager dans un attelage en or et en ivoire. Des rêves qu’il gardait dans un coin de sa tête, pour lui, sachant très bien qu’il ne pouvait pas les partager avec les autres.
En grandissant, ses rêves se firent plus modestes. Anikeï ne rêvait plus de châteaux mais d’une petite maison confortable, d’un travail beaucoup moins pénible, qui lui permettrait de vivre un peu plus longtemps que prévu et offrir un peu de confort pour sa famille. Pour cela, le petit garçon savait qu’il lui faudrait d’abord s’instruire, si il voulait pouvoir s’élever.

Et il y parvint seul. La tâche ne fut pas aisée, loin de là. Le garçon ne pouvait compter que sur de rares moments de solitude pour apprendre à déchiffrer les lettres dans un manuel qu’il avait subtilisé à un enfant du village – très peu soigneux de ses affaires au passage – ou sur les quelques leçons que le prêtre du village donnait aux autres enfants de manière clandestine. Pour Anikeï, le fait de savoir lire et écrire était une clef pour un autre monde et un motif de grande fierté dont il ne pouvait malheureusement pas se vanter auprès de tout le monde. Quand on est pêcheur, la lecture était une perte temps, les mots n’aidaient pas à remonter les poissons dans les filets. Alors il se taisait, songeant qu’un jour, il n’aurait plus à monter sur la barque dans des eaux glacées.

Histoire



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Des princes, Anikeï en avait rencontré plusieurs dans sa vie, chose étrange pour un simple pêcheur comme lui. Des princes ce n’est pas ce qui manque au Royaume Enchanté et ses environs. Il y en a toujours des princes. Ils peuplent les châteaux et les salles de bal, les forêts, les grottes, les tavernes, les bordels, les ports, les navires, les villes… toujours en quête d’aventures, de guerres à mener ou de belles jeunes filles à sauver. C’est presque comme une seconde nature, cet esprit aventureux et chevalier, tout comme leur beauté. Les histoires le disent, les princes sont des êtres nobles, des modèles de perfection dans un monde imparfait.

C’est ce qu’Anikeï pensait aussi avant. Plus jeune, il adorait écouter les récits de ces princes courageux, affrontant sorcières et dragons pour sauver l’élue de leur coeur. Il rêvait souvent d’être à leur place et d’affronter à son tour des géants ou bien tout simplement, d’être sauvé par un beau prince. Ce n’était que des rêves, parce qu’il savait très bien qu’il y avait peu de chances pour qu’un jour il ne croise la route d’un prince.

Il fallut ensuite rencontrer plusieurs de ses princes pour se rendre compte que la plupart du temps, ces derniers n’étaient que des hommes comme lui. Certains étaient des lâches, certains étaient laids, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur, mais surtout imparfaits. Au fils de ces rencontres, ces princes s’étaient révélés êtres des êtres capricieux, colériques, narcissiques, égoïstes, moqueurs et menteurs.

Les histoires mentaient au sujet des princes et ça, Anikeï ne pouvait que le confirmer.

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14 ans


L’hiver a été particulièrement rude cette année là. Le vent soufflait sans cesse, la neige ne cessait de tomber en un ballet narquois sur le sol, à tel point qu’on ne pouvait plus sortir de chez soi. Il avait aussi été particulièrement long, empiétant sur le printemps et même une fois ce dernier installé, ils subsistait ça et là des tapis de neige ou des sols, des rivières si gelées que seul un géant aurait pu briser.

Durant cet hiver si cruel, Anikeï avait vu son père, son frère aîné et sa plus jeune sœur être emportés par le froid. C’est donc lui et son autre frère qui durent prendre la relève et monter sur la barque à leur tour, pour faire vivre le reste de la famille. Seulement, à cause de ce cruel hiver, pêcher sur le lac s’était avéré presque impossible et les deux garçons peinaient à rapporter de l’argent. Si le froid ne les avaient pas emportés, la faim s’en chargerait et ça, Anikeï ne pouvait pas l’accepter. Par chance, il était ami avec un des fils du meunier, qui avait accepté de leur céder quelques sacs de farine gratuitement mais il savait très bien que tout le monde ne serait pas aussi clément que le père de son meilleur ami. De toutes les manières il refusait de laisser les choses lui tomber directement dans la main sans rien faire, c’est pourquoi un jour, après avoir réfléchit à plusieurs solutions pour venir à bout de cette situation, il annonça à sa famille :

« Je vais aller au château demander du travail, le temps que la glace disparaisse complètement du lac, au moins nous gagnerions de quoi nous nourrir et nous vêtir jusque là ! »

Et le jeune garçon partit en direction du château malgré les protestations de sa mère et les moqueries de son frère qui ne pensaient pas qu’on voudrait l’embaucher là-bas. Qu’importe, il devait au moins essayer.
Quand il se présenta au château, l’intendant le chassa immédiatement, refusant de l’écouter, mais Anikeï ne bougea pas, malgré les menaces et les gardes présents. Il était venu ici pour demander du travail et ne partirait pas tant qu’on ne l’aurait pas écouté. Et malgré son air miséreux, avec ses vêtements trop grands et rapiécés, sa silhouette maigrichonne et ses traits creusés par la fatigue et la faim, il ne se laissa pas démontrer pour autant, même quand un garde le menaça de la pointe de son épée. L’altercation finit par attirer l’attention d’un des fils du roi qui voulut s’enquérir de l’affaire.
Quand le prince fit son apparition, un léger sourire teinté d’espoir se dessina sur le visage d’Anikeï. Si le prince s’en mêlait, alors il obtiendrait gain de cause, il en était sûr. Il observa le visage aux traits nobles, comme ceux des histoires que lui racontait son père.
Mais ce ne fut pas un sourire bienveillant qui orna le beau visage du prince, mais un sourire cruel, qui étaient censés appartenir aux monstres qu’ils étaient censés combattre.

« Va-t'en ! Nous n’avons pas besoin d’un pauvre pouilleux comme toi ici ! »

Un éclat de rire moqueur s’en suivit. Cependant, malgré l’humiliation, Anikeï refusait de laisser tomber sa requête, alors il insista, implorant la nécessité de gagner de l’argent et de faire vivre sa famille, mais ses suppliques laissaient le prince indifférent. Comme il ne bougeait pas, ce dernier s’impatienta et s’avança vers lui et avant qu’Anikeï ne puisse comprendre ce qui se passait, la main du prince s’abattait sur sa joue, le faisant chuter au sol.

Les larmes lui montèrent aux yeux tandis qu’on le chassait encore et que ses rêves d’enfants à propos des princes fondaient plus vite que la glace du lac. Ça lui faisait d’autant plus mal qu’il allait devoir rentrer chez lui et donner raison aux autres, leur expliquer qu’il avait perdu une journée de travail pour rien. Puis une main ornée de bagues serties de pierres précieuses apparu devant son visage. Levant les yeux, Anikeï devina un visage semblable à celui du prince à travers ses larmes, bien plus marqué par la vieillesse cependant et aux traits plus doux. Légèrement hésitant, Anikeï attrapa la main tendue qui l’aida à se relever.

« Pardonne la conduite de mon fils mon garçon, indigne de son rang. »

Le roi. Trop impressionné pour penser à s’incliner devant lui, Anikeï le fixa, stupéfait.

« J’ai cru comprendre que tu avais une requête qui t’a été refusée…
- Ce n’est pas vrai ! »

Retrouvant l’usage de la parole, Anikeï s’empressa d’ajouter.

« Je suis venu ici dans l’espoir d’obtenir un travail, mais votre intendant n’a pas voulu m’écouter votre majesté. Ensuite votre fils est venu et s’est moqué de moi et a refusé de m’écouter quand je lui ai expliqué en quoi ce travail était important ! »

Le prince le fusilla du regard.

« Du travail ? Ici, mais pourquoi ?
- L’hiver a été rude votre majesté. J’ai du enterrer mon propre père, mon frère aîné et ma petite sœur qui n’avait même pas deux ans ! Le lac est encore si gelé qu’il nous est impossible de pêcher. Le froid nous aura peut-être épargné moi et ma famille, mais ça ne sera pas le cas de la faim. C’est pour ça que je suis ici, pour ramener un peu d’argent. Je ferais tout ce qu’on m’offrira, je ne suis pas difficile. Juste le temps que je puisse de nouveau aller pêcher. S’il-vous-plaît votre majesté, épargnez à ma mère le chagrin de devoir enterrer un autre de ses enfants. »

Le roi fronça les sourcils, sembla réfléchir quelques secondes, avant de répondre :

« Bien, si c’est ce que tu désires, nous trouverons bien un travail à t’offrir ici… j’aimerais juste savoir une chose mon garçon : pourquoi es-tu venu me trouver ici et non quelqu’un d’autre ?
- Je me suis dit que j’avais plus de chance. Et puis ça ne coûte rien de demander. Tout le reste est au dessus de mes moyens. »

Le roi éclata alors de rire, un rire franc tout en posant une main affectueuse dans les cheveux en bataille d’Anikeï.

« Rentre chez toi mon garçon et reviens demain, tu commenceras alors à travailler ici, je t’en donne ma parole.
- Merci votre majesté ! »

Ce soir là, après avoir annoncé la bonne nouvelle à sa famille, Anikeï repensa à ce qu’il s’était produit. Le prince s’était montré odieux et méprisant envers lui. Dans les histoires, ils n’agissaient jamais ainsi. Le roi lui s’était montré clément et altruiste. C’était sans doute pour ça. Le prince avait sans doute encore à apprendre auprès de son père pour devenir comme lui un jour, pour devenir le prince charmant des histoires. Anikeï en était convaincu.

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20 ans


La situation n’a guère changé pour lui. Toujours sur cette barque à attendre. Il ne peut plus espérer franchir les portes du château pour un quelconque travail depuis que le roi est mort et que son fils lui a succédé, ce dernier n’a pas oublié leur première rencontre.
Mais ce n’est plus sur un prince ou un roi que reposaient ses espoirs désormais : la ville est son nouvel espoir. Là bas, il en est persuadé, il pourra s’élever, pourquoi pas devenir percepteur pour peu qu’il s’instruise un peu mieux.

Un matin, alors qu’il pêchait seul, un grand cri ainsi qu’un bruit de chute d’eau le tira de son travail. Sans réfléchir, ce qui ne lui ressemblait d’ailleurs pas, il dirigea sa barque vers la source du bruit tout en espérant qu’il ne s’agissait pas d’un piège d’un démon des eaux pour le noyer.

Ce n’était pas un démon des eaux ou une Roussalka qui se baignait que découvrit Anikeï à bord de la barque, mais un homme qui se débattait furieusement dans l’eau tout en appelant à l’aide.

« Calmez vous, je vais vous aider : attrapez mon filet et je vous hisserai à bord. »

L’inconnu lui obéit et attrapa le filet qu’Anikeï lui lança, s’y agrippant avec force tandis que de l’autre côté, Anikeï tirait de toute ses forces tout en prenant garde à ne pas basculer en arrière. Il parvint à hisser l’homme à bord de la barque, non sans déchirer le filet, ruinant ainsi ses chances de pêcher autre chose aujourd’hui.

« Ce n’est pas encore l’époque pour se baigner vous savez. »

L’inconnu le dévisagea, surpris, ne sachant pas si son sauveur était sérieux ou non.

« Réjouissez-vous, j’ai bien plus de valeur que toutes les prises que vous ferez dans votre vie. 
- Ça  j’en doute fort, il faut être idiot pour se promener par ici de si bon matin, surtout quand on ne connaît pas les environs, un seul mauvais pas peut vous être fatal. »

L’homme qui lui faisait face ouvrit de grands yeux étonnés face à tant d’insolence.

« Savez-vous seulement qui je suis ? »

Il n’en avait aucune idée, mais les vêtements de l’inconnu, bien que trempés, étaient magnifiques, indiquant que celui qu’il venait de sauver était sinon de condition noble, quelqu’un de très riche. Néanmoins, Anikeï ne pu s’empêcher de hausser les épaules, comme si il s’en moquait.

« Je suis le prince Leonid Orlov du royaume d’Argent ! »

Sans doute ce prince espérait-il qu’Anikeï se mette à genoux après cette déclaration. Mais ce dernier haussa de nouveau les épaules.

« Qu’importe, ce n’est pas moi qui aie manqué de me noyer en étant imprudent. »

Anikeï posa sur l’homme un regard plein de malice. Le prince le fixa, incrédule.

« Bon, je vais vous ramener sur la terre ferme votre altesse, avant que vous ne recommenciez à vous prendre pour une Roussalka. »

Le prince grommela quelque chose entre ses dents tandis qu’Anikeï ramait en direction de la rive, où se trouvait un cheval qui semblait attendre l’arrivée de son royal propriétaire. Le prince descendit de la barque, il avait bien de la chance lui et s’avança vers sa monture, avant de se retourner.

« Attendez… je dois me rendre au château du royaume de Cuivre mais je me suis perdu en chemin… pouvez m’indiquer la direction à suivre ? J’aimerai y arriver avant ce soir et entier.
- Bien sûr, vous n’êtes plus très loin de toutes les manières votre altesse. »

Après lui avoir donné la direction de la route à prendre, le prince partit au galop sans demander son reste. Il ne l’avait même pas remercié. Bon d’accord, il l’avait taquiné mais tout de même. Cependant, il commençait à se faire à l’idée que les princes n’avaient rien à voir avec ceux des contes. Son amertume augmenta en constatant que la déchirure du filet était importante et qu’il allait devoir en racheter un neuf, ruinant ainsi les économies qu’il avait faites pour se rendre en ville.

Quelques jours plus tard, alors qu’il était en compagnie de trois de ses plus jeunes frères et sœurs au bord du lac, à leur apprendre quelques rudiments de pêche, trois gardes royaux firent leur apparition. Instinctivement, Anikeï se plaça devant les plus jeunes, protecteur. Un des gardes pointa son doigt sur lui.

« Toi ! Il faut que tu nous suives ! Tu es demandé au château.
- Et pourquoi ?
- Ne pose pas de questions et suis nous ! »

Comprenant qu’il valait mieux obéir sans discuter, il demanda à ses frères et sœurs de rentrer à la maison tout en les rassurant, avant de suivre les gardes, tout en se questionnant sur ce qu’on pouvait bien lui vouloir. Le roi le détestait, mais sans doute pas assez pour l’accuser d’un quelconque larcin, il avait bien mieux à faire, mais peut être que le prince qu’il avait sauvé se souvenait enfin de lui, à moins qu’il ne veuille lui faire payer son insolence vis-à-vis de lui.

Franchir les portes du château fut étrange, après tout ce temps, tout comme ne pas suivre la direction des écuries ou des sous-sols en compagnie des domestiques. Mais franchir la porte de la salle du trône fut plus étrange encore. Anikeï balaya son regard sur les dorures, le parquet et le reste de cette salle si richement décorée en vitesse. Devant lui, affalé avec désinvolture sur le trône se trouvait le roi, qui lui lança un regard méprisant, tout comme la reine assise à ses côtés. De l’autre, il y avait le prince qu’il avait sauvé, qui lui, se leva immédiatement en souriant en le voyant apparaître.

« Ainsi c’est donc lui ton chat sauveur ? Un pauvre pêcheur ! »

Le prince ignora superbement la remarque acerbe du roi pour s’avancer vers Anikeï qui avait ouvert de grands yeux à chat sauveur.

« Oui votre majesté ! Sans lui je serais sans doute au fond de ce lac ! Mais le pire dans cette histoire, c’est que je n’ai même pas eu la décence de remercier ce jeune homme convenablement, alors que je lui dois la vie ! »

Le prince avança vers Anikeï et tendit une main vers lui. Avec une étrange impression de déjà-vu, Anikeï lui serra la main, incapable de prononcer un mot, sentant seulement une étrange chaleur lui monter aux joues tandis que le prince lui souriait.

« Je crains que ma mésaventure ne m’ait perdre la tête. J’étais trempé et j’avais froid et surtout, très vexé par ce qui venait de se produire : je suis partit sans même vous remercier. Je suis heureux de pouvoir me rattraper aujourd’hui et j’espère que vous accepterez mes excuses quand à ma conduite.
- B..  bien sûr votre altesse. Et je n’ai fait que mon travail vous savez, pêcher. »

Le prince partit dans un fou rire. La reine tenta de dissimuler un rire derrière ses mains mais le roi émit un grognement.

« J’ai une dette envers vous, une très grande dette. Demandez moi ce que vous voulez, je vous l’accorderez. 
- Et bien… peut-être pourriez vous me rembourser le filet avec lequel je vous ai tiré de l’eau. »

Cette fois-ci, le prince le dévisagea comme si il avait perdu la tête.

« C’est tout ? Ma vie contre un filet ?
- Ce filet c’est la mienne. Sans lui je ne peux pas travailler. Sans lui je ne gagne rien. 
- Alors soit, si c’est ce que vous désirez. »

Sur ce, le roi décida qu’il était temps qu’Anikeï ne parte et pour une fois, il ne pouvait qu’être d’accord avec lui.
Il était sortit du château depuis quelques instants à peine, qu’une voix familière se fit entendre dans son dos. Le prince. Encore lui. Que lui voulait-il donc encore ? L’affaire était close pour lui.

« Attendez… je… je viens de réaliser que je ne connaissais pas votre nom. »

Le prince le regardait tout en se mordillant les lèvres, les mains derrière son dos, comme si il cachait quelque chose. Bon, si il n’y avait que ça pour lui faire plaisir.

« Je m’appelle Anikeï Kotov votre altesse.
- Anikeï ? J’aime beaucoup, c’est joli. »

Ne sachant pas si il devait le remercier, Anikeï se contenta de baisser la tête.

« Ecoutez… j’aimerais vraiment vous remercier, plus qu’avec un filet. Vous ne désirez vraiment rien ? »

Si. Il désirait une autre vie que celle de pêcheur, il désirait quitter cette fichue barque pour toujours. Il n’avait qu’à le dire et le prince le couvrait d’or. Mais il avait aussi sa fierté.

« Rien du tout votre altesse. Passez une bonne journée. »

Il allait partir de nouveau et le laisser ici, le laisser retourner à sa vie de prince.

« Non, Anikeï attendez – le prince sortit les mains de son dos pour dévoiler une superbe paire de bottes en cuir avec des boucles en argent – ce n’est pas grand chose mais je tenez à vous offrir quelque chose de mon royaume. »

Pourquoi lui offrait-il ces bottes ? Que pouvait-il bien faire de pareils objets ? Elles allaient s’abîmer dans l’eau et il ne pouvait décemment pas vendre un cadeau.

« Je ne peux pas accepter votre altesse ! Que voulez-vous que je fasse avec ces bottes ? Elles sont bien trop précieuses pour un pauvre pécheur comme moi... 
- Contentez vous de les accepter. En souvenir de moi. »

Le prince continuait de le fixer en se mordillant les lèvres avant de se remettre à sourire de nouveau quand Anikeï acquiesça de la tête.

« Il faut que je retourne chez moi votre altesse. »

Une manière de dire que leur chemin se séparaient là. Le prince sembla le comprendre.

« J’aurai bien aimé vous connaître un peu plus Anikeï. Vraiment. Je vous souhaite de la chance dans votre vie, bien sincèrement. »

Ils devaient partir maintenant. Sauf qu’Anikeï n’arrivait pas à bouger, subjugué par le regard sombre du prince. Au moment où il fit un pas en arrière, les mains du prince se posèrent sur sa taille et il approcha son visage du sien pour déposer ses lèvres sur les siennes. Il ne bougea pas.

Après tout, les princes charmants existaient peut-être.

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25 ans


« S’il te plaît Nika, aide moi ! »

Ce n’est pas la première fois, ni la dernière qu’il entendra cette phrase, ni ne verra cette mine suppliante sur le visage de son meilleur ami. Retenant un soupir, Anikeï sauta du toit de son isba qu’il était en train de réparer, atterrissant avec souplesse en face de Valia.

« Dans quel pétrin t’es-tu encore fourré cette fois-ci ? 
- Bah c’est pas vraiment moi cette fois ci, enfin pas vraiment… tu vois les fils du boucher ? J’ai joué aux cartes avec eux la semaine dernière, on a fait un gros pari et j’ai perdu, mais j’suis sûr qu’ils ont triché parce que c’est pas possible autrement et maintenant ils réclament leur argent mais j’ai plus rien mais ils sont plus nombreux, j’sais pas comment faire…. »

Réprimant une forte envie de rouler les yeux au ciel, Anikeï se contenta de soupirer avant interrompre son ami d’un geste de la main.

« Je vais voir ce que je peux faire, mais je ne peux pas te promettre grand-chose. Depuis le temps, tu devrais savoir que jouer son argent n’apporte rien de plus que des ennuis. »

Et comme pour appuyer ses dires, un miaulement mécontent retentit. A la vue du chat qui venait d’apparaître, Valia se renfrogna tandis qu’Anikeï se baissa pour que l’animal puisse sauter sur son dos et s’installer sur ses épaules. Aussitôt installé, le petit félin se mit à ronronner tout en fixant Valia de ses yeux perçants.

« Elle m’en veut encore pas vrai ?
- Tu l’as bien cherché aussi ! Bon allons rendre une visite aux fils du boucher, je vais tenter de négocier pour toi. »

Valia le remercia et il se mirent en route en direction du village, l’isba d’Anikeï se situant à proximité du lac.

Quand le père de Valia était mort quelques mois auparavant, il avait légué son moulin à son fils aîné. Le cadet avait hérité de l’âne et Valia, le benjamin, du chat qui se tenait perché sur les épaules d’Anikeï. Quand son ami avait appris son héritage, il était entré dans une colère noire, hurlant à l’injustice et de rage, avait tenté de noyé le chat, qui n’était alors qu’à ce moment là qu’un chaton famélique. Anikeï l’avait alors sauvé, de justesse et depuis le chaton, une femelle, ne le quittait plus. Baptisée Kara, cette petite boule de poil s’était remise de ses émotions, était même devenue une chasseuse hors-pair mais gardait une rancune tenace à Valia, ne manquant jamais de cracher ou de feuler dès qu’elle l’apercevait. Cette tentative de noyade avait même été l’objet d’une énorme dispute entre les deux amis qui avaient finit par se réconcilier.

Il était devenu rare qu’Anikeï se rende au village désormais. Comme son père avant lui, il passait le plus clair de son temps sur le lac à pêcher et ne se rendait là-bas que pour effectuer des achats ou régler des affaires importantes. Il possédait malgré tout une assez bonne réputation. Quand il arriva devant la boucherie, deux des fils qui étaient occupés à charger d’énormes pièces de viande lui adressèrent un sourire, avant de froncer les sourcils en apercevant Valia derrière lui. Ils ne leur fallut que quelques secondes pour comprendre la raison de sa présence.

« Tu t’es déplacé pour rien petit chat, ton ami nous doit de l’argent et nous ne le laisserons pas filer, pas cette fois-ci ! »

Anikeï ouvrit la bouche pour protester, mais le deuxième frère continua :

« Je ne sais pas ce que ce bon-à-rien t’a raconté mais sache que cet idiot s’est cru malin en voulant nous berner aux cartes. Il nous devait déjà une certaine somme d’argent auprès de nous et de notre père et il a essayé de négocier ses dettes aux cartes. Nous nous serions montrés cléments si il n’avait pas triché. »

Derrière lui, Valia fusillait les deux fils du regard. Anikeï le fixa pendant plusieurs secondes, cherchant chez son ami une trace de culpabilité, de honte après cette révélation mais n’en trouva pas. Ça ne l’étonnait guère en réalité. Valia s’était toujours montré irresponsable, surtout quand il s’agissait d’argent et usait souvent de son physique pour parvenir à ses fins, à défaut de sa tête. Il était beaucoup trop impulsif de toutes les manières.

« Je vois qu’il a omis de te raconter l’histoire en détail ou bien qu’il l’a raconté à sa manière…
- Peu importe – Anikeï soupira – il payera sa dette, je m’en porte garant. Je vous demande juste de lui accorder une semaine de délai. »
Les deux frères se consultèrent du regard, avant de hocher la tête en direction d’Anikeï.

« Bien. Mais ce n’est pas pour lui que nous faisons cette faveur. Et si rien n’est payé dans une semaine, nous irons régler cette affaire au château. 
- C’est d’accord, marché conclus. »

Alors qu’Anikeï s’avançait pour serrer la main des deux fils, le cadet se pencha pour lui murmurer à l’oreille :

« Un conseil petit chat, tu devrais arrêter de voler sans cesse à son secours. Ce gars là n’est pas ton ami, il se sert de toi et un jour c’est à toi qu’il attirera des ennuis. »

Sur ce, les fils retournèrent à leur travail. Derrière lui, Valia semblait soulagé et remercia vaguement Anikeï avant de disparaître il ne savait où. Il ne lui restait plus qu’à rentrer chez lui et trouver une solution.

Une solution ou plutôt des solutions, Anikeï en avait cherché pendant trois jours, seul. Il s’était fâché avec Valia quand ce dernier lui révéla qu’il avait dilapidé tout l’argent que son père lui avait légué à sa mort, en plus de Kara, en grande partie dans des jeux, de la boisson et des filles de joie. Aucun de ses frères aînés ne voulait lui venir en aide. L’avertissement du fils du boucher lui revenait sans cesse en tête. Peut-être avait-il raison. Valia n’était pas son ami. Sauf qu’Anikeï ne pouvait pas se faire à cette idée. Il avait partagé tant de choses avec Valia et ce depuis l’enfance. Ils étaient comme des frères. Du moins ils l’avaient été. Mais en grandissant tout deux avaient choisis des chemins différents : il ne leur restait plus que ces souvenirs d’enfance auxquels Anikeï accordait beaucoup d’importance. Il en avait eu le preuve aujourd’hui même : Valia n’était pas venu le voir lui pour prendre de ses nouvelles mais bien parce qu’il comptait sur lui pour le tirer d’un mauvais pas, chose qu’il avait bien du mal à admettre.

Alors qu’il réfléchissait à tout cela, l’image du prince Léonid vint s’ajouter à ses pensées, le troublant encore plus. Ce prince qui avait laissé une marque ineffaçable dans son esprit, éveillant des sentiments inconnus chez lui. Qui lui avait offert une paire de bottes et un baiser.

Les bottes. Il les avaient toujours, il les gardaient cachées, bien précieusement. A elles seules, ces bottes pouvaient lui permettre de vivre décemment pendant plusieurs mois. Peut-être était-ce là, la solution.

Mais l’amitié qui les liaient valait-elle la peine de vendre le souvenir d’un prince charmant envers lui ?

Anikeï pesa le pour et le contre toute la nuit. Le lendemain, il alla retrouver Valia.

« Prépare tes affaires, nous allons en ville, je sais comment régler tes dettes. »

***

La ville n’était qu’à deux jours de marche. En se dépêchant ils auraient le temps d’effectuer un aller-retour pour vendre les bottes et revenir à temps pour payer les dettes.
Quand il avait annoncé ce qu’il comptait faire, Valia avait remercié bruyamment Anikeï, l’avait même pris dans ses bras, ce qui lui avait donné l’espoir que ce voyage, ce qu’il faisait en valait la peine.
Valia l’avait interrogé sur la manière dont il avait obtenu les bottes, mais Anikeï n’avait pas se résoudre à lui raconter toute l’histoire, alors il avait laissé tombé, trop heureux de se voir tiré d’affaire, encore une fois, par son meilleur ami. Il était si heureux qu’il n’avait même pas protesté quand Anikeï lui avait dit qu’ils voyageraient avec Kara. Cette dernière en revanche ne semblait pas enchanté de l’avoir comme compagnon de voyage.

Alors que la première journée s’achevait, il furent contraints de s’arrêter dans une auberge pour éviter de passer la nuit dehors et de se faire attaquer par des bandits.

« Ce n’est pas des bandits que vous devez avoir peur ici, mais du géant ! »

Valia ne prêta pas attention aux paroles de l’aubergiste et une fois son dîner avalé, monta se coucher. Intrigué par cette histoire de géant, Anikeï interrogea l’aubergiste.

« On dit qu’y s’est installé après avoir tué l’prince et sa famille. Ensuite il’forcé tous les domestiques à lui obéir mais certains c’sont échappés et y disent qu’y fais’ait aussi d’la magie. Y en a beaucoup de jeunes comme toi qu’on essayé d’le tuer, mais sont jamais r’venus. Chais pas si c’est vrai ou pas, en tout cas c’est pas bon pour nous tout ça. »

Un géant, des princes… ce n’étaient pas ce qui manquait des princes par ici. Les géants étaient plus rares. Anikeï repensa à son prince charmant. Lui il l’aurait vaincu le géant il en était sûr. Sur cette pensée, il remercia l’aubergiste et partit se coucher en compagnie de Kara, le cœur serré en songeant aux bottes dont il allait devoir se séparer.

Ils reprirent leur voyage le lendemain, en silence, ne s’accordant qu’une pause pour déjeuner rapidement, non loin d’une rivière. Ravie de pouvoir descendre de son perchoir – à savoir Anikeï – Kara en profita pour explorer les alentour et grimpa dans un arbre, si haut qu’elle se retrouva coincée. Poussant des miaulements de détresse, Anikeï n’eut d’autre choix que de grimper à son tour pour aller la récupérer. Atteignant sans difficulté sa compagne à fourrure, qui se réfugia dans ses bras, il allait faire de même en sens inverse quand un éclat doré attira son intention. Plissant les yeux, il distingua au loin un magnifique carrosse. Il ne parvenait pas à distinguer les armoiries de la porte, mais il devina sans mal que des membres d’une famille royale se trouvaient à l’intérieur et se dirigeaient vers eux. Peut-être qu’il y avait même un prince, un prince partit pour battre le géant…

Une idée germa alors dans son esprit. Une idée folle, mais qui pouvait peut-être marcher. S’assurant que Kara était bien accrochée à lui, il descendit de l’arbre en quatrième vitesse et rejoignit Valia.

« Vite lève toi ! Je viens d’avoir une idée ! Il faut qu’on aille à la rivière d’abord, dépêche toi ! »

Valia le regardait comme si il venait de perdre la raison, mais devant l’insistance de son ami, obtempéra sans discuter, même si il fut réticent quand il lui demanda de se déshabiller pour entrer dans l’eau.

« Tu restes ici et tu ne bouge pas, fais moi confiance ! »

Anikeï s’éloigna après avoir enfilé les bottes qu’il avait prévu de vendre. Elles lui allaient à merveille et étaient incroyablement souples. Au loin, le bruit du carrosse se faisait entendre, se rapprochant de plus en plus. Dès qu’il fut dans son champs de vision, Anikeï se jeta au milieu de la route en écartant les bras. Le cocher s’arrêta de justesse et commença à l’incendier, quand une jeune fille descendit.

« Que signifie ceci ? Avez vous perdu la raison, vous avez manqué de nous faire tuer tous ! »

Malgré son air contrarié, la jeune fille avait des airs de poupée fragile. Anikeï jeta un rapide coup d’œil à la couronne qu’elle portait sur la tête.

« Mes excuses votre altesse ! Seulement voilà, mon maître et moi même venons d’êtres victimes de voleurs. Alors que mon maître se baignait dans la rivière, ces bandits en on profité pour lui voler ses habits : l’un d’entre eux m’avait immobilisé je n’ai rien pu faire ! C’est affreux ! »

La princesse écarquilla les yeux. A son tour, sortirent un homme plus âgé, son père sans doute.

« Votre maître dites vous ? Qui est-ce ? »

Il n’avait pas pensé à ça… puis il posa son regard sur Kara qui s’était installée à ses pieds.

« Le marquis de Carabas votre altesse !
- Carabas ?
- Les ancêtres de mon maître étaient des étrangers qui sont venus s’installer dans la région… mais nous n’avons pas le temps pour ça, mon maître est en train de prendre froid ! »

Alors que le roi et son cocher partaient en direction de la rivière avec des couvertures pour secourir le prétendu marquis – Anikeï avait vaguement expliqué son plan à Valia et il espérait qu’il tienne son rôle – il s’inclina devant le princesse.

« Votre altesse… le château de mon maître n’est pas très loin, nous étions simplement partit nous balader. Seriez vous assez aimable pour le ramener chez lui ? Pendant ce temps là, je vais prévenir le château de votre arrivée. »

Il ne lui laissa pas le temps de répondre, lui indiqua la direction du château – il l’avait lui même demandé à l’aubergiste – et courut dans cette même direction, Kara sur les talons.

Le chemin semblait défraîchit, comme si l’arrivée du géant avait tout saccagé. Cependant, il fut surpris de trouver un champs où des paysans étaient occupés à cultiver. Anikeï s’approcha d’eux et les interrogea sur le propriétaire des terres : ceux ci lui affirmèrent, non sans peur, que tout le domaine qui s’étendait devant lui avait autrefois appartenu à un membre de la famille royale du royaume de Cuivre, mais qu’ils avaient été usurpés par le géant.

« Bien… bientôt un carrosse passera par ici. On vous demandera comme moi à qui appartient ce château. Vous répondrez qu’il appartient au Marquis de Carabas.
- Mais…
- Il en va de votre vie, ou vous serez haché menus comme chair à pâté ! »

Menacer les paysans n’était pas agréable mais nécessaire pour que son plan fonctionne. Il s’arrêta plusieurs fois devant des paysans, fermiers, domestiques sur la route menant au château et leur répéta la même chose.

Puis les portes du château apparurent devant lui et il sut qu’il ne pouvait plus reculer. Une fois à l’intérieur de la bâtisse, il constata que le château semblait avoir été à l’abandon. Ce qui ressemblait à la salle du trône était vide. Il remarqua cependant de multiples empreintes de pas boueuses menant à la plus haute tour du château.

Le cœur battant à tout rompre, il grimpa les marches une par une, sentant son courage vaciller plusieurs fois. Arrivé au sommet, il ne se donna pas la peine de frapper à la porte. Installé dans un fauteuil, jouant avec le cadavre d’un lièvre, se trouvait le géant. Pas si géant que ça. Ce dernier tourna immédiatement la tête vers lui. Un sourire mauvais se dessina sur son visage.

« Ma magie me permet de me transformer à volonté, y compris de changer ma taille… chaton. »

Bien que terrorisé, Anikeï s’exclama :

«  Vraiment ! Vous devez être extrêmement puissant pour maîtriser ce type de magie !
- Merci mon chaton, mais la flatterie ne te mènera à rien. Je vais te tuer, ensuite je te mangerais, et ton chat aussi, en guise de dessert ! D’ailleurs… où est passée ton épée ? Je dois bien me curer les dents après mon repas... »

Le géant lui sourit, dévoilant une rangée de dents taillées en pointes. Quelques gouttes de sang apparurent alors sur ses lèvres gonflées mais le géant se contenta de passer sa langue dessus. Réprimant un frisson, Anikeï poursuivit :

« Je ne suis pas un prince. Je… je voulais juste avoir la preuve de votre existence.
- Et bien s’est fait, mais c’est dommage, tu ne pourras le raconter à personne. »

Le géant se leva et s’approcha de lui, le soulevant de terre comme si il n’était qu’un jouet de paille. Le géant sentait la crasse et le sang et cette odeur manqua de lui faire tourner de l’œil. Kara laissa échapper un long miaulement aigu, inquiète et apeurée elle aussi.

« Attendez ! Avant de me tuer, j’aimerais avoir une preuve de votre magie ! Vous pouvez bien m’accordez ça ? »

Le géant le lâcha.

« Habituellement on me défie au combat… soit mon chaton. J’excelle dans l’art de la transformation animale. Regarde ! »

Dans un nuage de fumée le géant se métamorphosa alors en un gigantesque lion, aux crocs pointus et poussa un tel rugissement que Kara bondit sur Anikeï en planta ses griffes dans son dos, tandis qu’il sentait ses propres jambes fléchir. Il ne lui suffisait que d’un coup de mâchoire pour les dévorer tous les deux. Le géant repris vite son apparence en ricanant.

« Satisfait ? Maintenant ne bouge pas que je te tue…
- C’était très impressionnant en effet… un choix imposant… mais… mais je me demandais… non c’est sans doute trop compliqué pour vous…
- Quoi donc ? Je peux me transformer en dragon si tu le souhaites !
- Je n’en doute pas ! Mais je suis septique quand à vos capacités de transformations : jusque là vous ne faites que dans la grandeur et le terrifiant.
- Et alors ?
- Je me demande si vous seriez capable de vous transformer en quelque chose de plus petit. Plus inoffensif. Comme une souris ou un mulot par exemple. C’est ma dernière requête et après vous serez libre de me tuer !
- Une souris ? C’est un jeu d’enfant pour moi mon chaton ! »

Et dans un autre nuage de fumée, le géant se transforma en une petite souris. Et sans plus attendre, Kara plongea sur le petit rongeur et le broya d’un seul coup de dents.

C’était terminé, le géant et son règne de terreur n’étaient plus.
Bien qu’au bord de l’évanouissement, Anikeï descendit de la tour pour se rendre dans la cours. Le château avait retrouvé son éclat d’antan, les effets de la magie du géant annulés avec sa mort.

Le carrosse arriva quelques instants plus tard. Le roi et sa fille en sortirent, suivis de Valia qui portait de magnifiques vêtements prêtés par le roi.

« Soyez les bienvenus sur le domaine de Carabas votre majesté ! Veuillez excuser le désordre, mais l’annonce de votre venue nous a tous mis dans un tel état d’euphorie que nous avons un peu perdu nos esprits. »

La princesse se mit à rire, tout en ne quittant pas Valia du regard. Le roi s’avança.

« Cher Marquis, vous avez là un domaine magnifique ! Cela ne vous ennuie pas si nous restons quelques jours à le visiter ?
- C’est un honneur pour nous votre majesté. »

Le rôle semblait convenir à Valia. Tant mieux. Ils n’avaient qu’à jouer le jeu pendant la durée du séjour du roi et ensuite ils retourneraient au village : il y avait assez de richesses au château pour combler les dettes de Valia, mais aussi pour leur assurer à tous les deux une vie décente.

Il allait pouvoir enfin descendre de la barque.

***

Il y avait déjà plusieurs jours que le roi et sa fille séjournaient au château et la situation commençait à lui déplaire. Par chance, il avait pu se rendre au village sans attirer l’attention afin de régler les dettes de Valia auprès des fils du boucher, mais aussi pour rassurer sa famille de son absence. Non pas que la compagnie du roi et de sa fille, Inga, était désagréable au contraire, mais leur séjour ne semblait pas avoir de fin et tout ce que désirait Anikeï, c’était un retour à la vie normale ou presque : il avait amassé quelques pierres précieuses qui lui permettaient de pouvoir s’installer en ville et d’exercer un meilleur métier tout en prenant soin de sa famille. Et tandis que Valia se pavanait dans des habits des meilleures étoffes en compagnie du roi et de la princesse, lui devait courber l’échine et prétendre être à son service.

Ce dernier alla le trouver un jour qu’il était occupé à ranger la bibliothèque du château, mise sens dessus-dessous par le géant. Il n’était plus mais son sourire cruel hantait toutes ses nuits. Heureusement que Kara était là pour veiller sur lui.

« Nika ! Tu ne devineras jamais ? »

Levant les yeux d’un ouvrage qu’il feuilletait, Anikeï attendit que son ami lui annonce ce qu’il avait à lui dire.

« Je vais épouser la princesse Inga ! »

Le livre qu’il tenait dans ses mains tomba au sol avec un bruit sourd. Valia souriait de toutes ses dents.

« Son père m’aime beaucoup et elle aussi ! Il pense que je suis un bon partit pour elle ! »

Anikeï ne répondit pas tout de suite, sonné par cette nouvelle. Valia allait épouser la princesse. Il allait devenir prince.
« Tu n’es pas content pour moi ? Je vais épouser une princesse ! Elle m’aime !
- Et toi ? Est-ce que tu aimes la princesse ?
- Je ne sais pas. Elle est jolie. Tu te rends compte ? Moi, épouser une princesse, du royaume d’Or ! »

Valia le laissa ensuite sans demander son reste.

Il allait devenir prince. Son ami allait devenir un prince. Il aurait voulut se réjouir mais il n’y parvenait pas. Il sentait l’amertume, ainsi qu’une pointe de jalousie le gagner. C’était grâce à lui qu’ils en étaient là. C’était lui, et Kara qui avaient débarrassé le château du géant. Et ils n’avaient pas été remerciés. Du moins par Valia. Tous les autres serviteurs avaient deviné que c’était lui qui les avaient sauvés du géant. Mais Valia n’avait rien fait du tout. Il s’était juste contenté de prétendre être marquis. Peut-être qu’il était encore temps de dire la vérité. Après tout ça ne coûtait rien.

Mais pour une raison qu’il ne parvenait pas à expliquer, il se sentait incapable de le faire. Après tout son ami allait devenir un prince, mais lui pouvait toujours partir. Après tout rien ne le retenait ici.

« Oh vous êtes là ! Je pensais qu’il n’y avait personne. »

La princesse Inga. Il ne l’avait pas entendue arriver.

« Je vais me retirer votre altesse.
- Non restez ! Je cherchais un peu de calme… et de lecture. Mais que s’est-il passé ici ? On dirait qu’une tempête a eu lieu ici.
- Des voleurs sans doute, qui se sont introduits à notre insu. »

La princesse ne sembla pas convaincue mais ne dit rien, se contentant d’attraper un livre au hasard.

« J’aime beaucoup la lecture. Vous aussi ?
- Oui votre altesse, même si je n’ai pas eu beaucoup d’occasions pour lire dans ma vie.
- Comment ça ?
- Je viens d’une famille de pêcheurs votre altesse, mon père gagnait tout juste de quoi nous nourrir. J’ai du apprendre tout seul.
- Vraiment ? Vous devez être fier de vous ! »

Il ne lui répondit pas. Il n’avait pas envie de lui parler mais il était également difficile d’être désagréable avec elle. La princesse ne se formalisa pas de sa mauvaise humeur et alla s’installer sur le rebord de la fenêtre pour lire. A peine avait-elle ouvert son livre que Kara lui sauta sur les genoux en miaulant pour quémander des caresses. Il les regarda un moment, observant sa compagne de fourrure ronronner de contentement tandis que la princesse lisait tout en administrant des caresses à Kara, souriante. Il hésita quelques instants avant d’attraper un livre et de s’installer près de la fenêtre à son tout. La princesse leva les yeux, lui sourit puis se replongea dans sa lecture.

Le mariage fut célébré un mois plus tard, dans une grande cérémonie et des festivités qui avaient duré plusieurs jours. Il avait regardé son ami échanger ses vœux avec un pincement au coeur, n’arrivant toujours pas à savoir sur ce qui le dérangeais le plus dans cette histoire. Le fait d’être ici, parmi les servants, alors qu’il avait fait tout le travail. De ne pas être devant l’autel. En compagnie d’un joli prince. Sa seule consolation était d’avoir pu faire venir sa famille ici, près de lui.


Et lors que Valia et la princesse finissent par échangent un baiser sous les applaudissements de la foule, il se met à regretter sa barque.

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28 ans

Le roi est mort, vive le roi !

La nouvelle est un choc dans tous les royaumes : le roi du royaume d’Or est mort, laissant derrière lui une famille endeuillée et un peuple chagriné. Inga est inconsolable et il ne peut lui offrir que ses bras en guise de réconfort.

Si le mariage de Valia avec Inga a considérablement réduit leur amitié au fil des années, ce dernier ne lui accordant à peine un regard, il a gagné celle d’Inga. La pauvre princesse a vite déchanté en découvrant au fil des mois la véritable nature de son mari. Un paresseux, dépensier et fêtard qui s’est vite détourné d’elle pour courtiser sans vergogne d’autres jolis minois. Délaissés, les deux avaient trouvé un soutient, un confident l’un dans l’autre dans cette union malheureuse.

Le roi est mort hélas et dans son aveuglement, a désigné Valia comme successeur. Un jour doublement funèbre pour le royaume d’Or. Valia ne connaît rien à la politique, il ne sait que sourire et faire des courbettes.

« Ah si seulement je t’avais épousé toi mon cher petit chat, nous aurions été heureux et nous aurons épargné des années difficiles à notre peuple ! »

Peut-être aurait-il du épouser Inga après tout. Il ne l’aurait peut-être pas aimée dans le sens de l’amour, mais il l’aurait rendue heureuse.

« Je me suis laissé aveuglé par Valia ! Ah si seulement j’avais écouté le fils du boucher ! Je serai encore sur ma barque à l’heure qu’il est mais je n’aurai pas le cœur brisé ! »

Inga sait tout, il lui a tout raconté un soir que Valia était partit se coucher au bras d’une courtisane sans se soucier de savoir si son épouse le regardait ou pas. Il lui avait tout raconté, de sa rencontre avec le prince Léonid à son affrontement avec le géant. Il avait cru qu’elle allait se mettre en colère et les faire enfermer pour tromperies et mensonges, mais au lieu de ça, elle s’était contentée de le consoler alors que les larmes coulaient, se lamentant sur leur naïveté, eux qui avaient trop longtemps cru aux princes charmants des livres.


***

30 ans

Cela fait déjà des heures qu’il se trouve aux côtés d’Inga alors que celle-ci hurle de douleur dans son lit, en train d’accoucher. Plus tôt dans la soirée, la reine avait ressentit de douloureuses contractions avant de perdre les eaux. Et comme son mari n’était pas présent, partit on ne savait où à s’amuser sans aucun doute, c’était Anikeï qu’elle avait fait appeler auprès d’elle pour la soutenir.

Alors qu’il s’était penché pour lui murmurer des paroles réconfortantes à l’oreille, il avait sentit les regards des sages-femmes sur lui. Il ne peut pas vraiment leur en tenir rigueur après tout. D’ordinaire ce sont les maris qui se trouvent au chevet de leurs épouses quand elles accouchent mais le roi n’est pas là, il est le seul sur qui Inga peut compter. Il sait que sa présence ici va encore alimenter les rumeurs. Il n’a échappé à personne au château que le roi et la reine n’étaient pas proches, que cette dernière passait la plupart de son temps libre dans la bibliothèque en sa compagnie et l’avait même nommé bibliothécaire royal peu après son couronnement.

Cependant, il n’avait pas eu le temps d’y penser d’avantage à ce moment là : après d’autres cris de douleurs, la reine avait fini par donner naissance à une petite fille. Il avait alors observé en sa compagnie ce petit être rose, sale et vagissant comme si il s’agissait d’une des merveilles du monde, ses larmes se joignant à celle d’Inga.

Cette petite fille, cette petite princesse n’était peut-être pas de son sang, mais à l’instant même où il avait posé les yeux sur elle, il avait su qu’il l’aimerait comme un père et qu’il donnerait tout pour elle, pour sa mère, qu’il se comporterait envers elle comme le prince qu’ils n’avaient jamais pu avoir.

***

32 ans

Il s’ennuyait ferme. Il ne voulait pas être ici, ils ne voulaient pas êtres ici. Mais le roi avait donné un énième bal, pour s’amuser et Inga n’avait pas eu le choix que d’être à ses côtés pour remplir son rôle de reine et lui était venu lui tenir compagnie. Si il avaient eu le choix, ils seraient restés à veiller sur le sommeil de la petite Katioucha, leur petit trésor. Mais ils sont là, coincés, à observer les autres s’amuser, insouciants. Ils pourraient s’éclipser. Ils pourraient en profiter pour partir dans la nuit, eux, Katioucha et Kara, partir n’importe où et recommencer une nouvelle vie. Ça serait de la folie, ils le savent. Les gardes ne mettraient pas longtemps avant de les rattraper, ils écoutent aussi les rumeurs et n’attendent qu’une occasion pour les coincer et les arrêter, pour entrer dans les bonnes grâces du roi. Valia n’est même pas un roi aimé, mais il est à la tête d’un puissant royaume et face à l’argent tout le monde s’incline devant lui.

Ils avaient finit par se retirer, sans attirer l’attention de personne. Qui les remarquaient ici de toutes les façons ? Tous n’avaient d’yeux que pour Valia, ils ne pouvaient pas lui retirer ça, il savait attirer l’attention des autres sur lui. Ils s’apprêtaient à gagner les appartement royaux pour retrouver Katioucha et Kara quand une voix les interpella.

« Attendez ! S’il-vous-plaît ! »

Anikeï s’était retourné lentement. Cette voix… elle lui était terriblement familière et pourtant il ne l’avait pas entendue depuis longtemps.

« Est-ce toi mon chat sauveur ? »

Il avait sentit ses jambes fléchir alors qu’il reconnaissait le prince Léonid. Ce dernier s’était précipité vers lui, s’était rapidement incliné devant Inga avant de lui prendre les mains.

« Je n’arrive pas à y croire ! Que faites-vous ici ? Je ne pensais plus jamais vous revoir ! »

Lui non plus ne pensait plus jamais revoir le prince. Reprenant ses esprit, il parvint à balbutier :

« Je… c’est une longue histoire votre altesse.
- Vraiment ? Je serai curieux de l’entendre ! »

Il y avait toujours ce même éclat dans le regard sombre du prince, ce même éclat qui était en train de tout embrouiller chez Anikeï. Inga était alors intervenue.

« C’est une longue histoire en effet… vous devriez aller vous installer à la bibliothèque. Pour ma part je vais me retirer dans mes appartements. Passez une bonne soirée. »

Elle était ensuite partie non sans lancer à Anikeï un regard entendu et il n’avait pas eu le choix que de conduire le prince Léonid à la bibliothèque, heureusement vide.

« Tout à commencé à cause de vos bottes votre altesse... »

Si le prince Léonid avait commencé par sourire à la mention des bottes, il avait vite finit par disparaître au cours de son récit, laissant place à une mine affligée.

« Je pensais que ce cadeau vous porterait chance … je suis désolé d’apprendre vos malheurs. »

Anikeï aurait voulut lui dire de ne pas se tourmenter, que les choses finiraient par s’arranger. A la place, il ne parvint qu’à se mettre à pleurer devant le constat de sa triste vie. Le prince Léonid s’était approché de lui pour le prendre dans ses bras et il n’avait pas trouvé la force de protester. Ils étaient resté ainsi un moment, puis le prince avait esquissé un mouvement pour déposer un baiser sur sa joue, mais Anikeï avait tourné la tête et leurs lèvres s’étaient rencontrées. C’était un baiser doux et chaleureux, qu’il n’avait pas envie d’interrompre. Parce qu’à ce moment là, alors qu’il était dans les bras du prince Léonid et que ce dernier resserrait doucement ses bras autour de lui et laissait traîner ses lèvres contre son cou, Anikeï ressentait naître en lui cet espoir qu’il pensait enterré depuis longtemps, celui qu’il avait ressentit il y a des années quand ils s’étaient embrassés pour la première fois, celui qu’il pouvait croire au prince charmant, même pour une nuit.

***

34 ans

Combien d’années lui a-t-il fallut pour se rendre compte que la seule différence qui existait entre les princes et les montres était que les derniers ne se cachaient pas sous un beau visage, ne portaient pas de couronnes ni d’épées. Beaucoup trop de temps et qui pourrait l’en blâmer. Depuis la nuit des temps, les princes sont glorifiés, bercent les nuits des enfants pour les rassurer.

Aujourd’hui il voudrait leur hurler de se méfier des princes, bien plus que les monstres, mais il ne peut pas, parce qu’il est en ce moment même à la merci d’un de ces princes ou monstres, c’était la même chose en fin de compte.

Tout était sûr le point de se terminer.

Quelques instants auparavant il était installé derrière son bureau à consulter quelques missives concernant les affaires du royaume. Comme Valia ne se souciait pas de ça, ses conseillers, la reine et lui même s’en chargeaient à sa place. Sans eux, le royaume serait complètement ruiné. Kara ronronnait à ses côtés et il se réjouissait de bientôt terminer pour retrouver Inga et Katioucha.

Puis, à sa plus grande surprise, Valia était entré. Ils ne s’étaient presque plus adressés la parole depuis son couronnement, des années plus tôt.

« Tu pensais que je ne m’en rendrais jamais compte ? »

Sa voix était froide et Anikeï avait tout de suite compris que ça n’augurerait rien de bon pour lui.

« Pardon ?
- Ne fait pas l’innocent ! Tu t’es bien fichu de moi !
- Mais à quel sujet ? 
- Katioucha. »

Anikeï le regardait sans comprendre. Depuis quand Valia se souciait-il de sa fille ? C’est à peine si il lui accordait un regard, il était un étranger pour elle.

« Elle est de toi pas vrai ? » 

Ainsi donc, les rumeurs avaient fini par lui parvenir. Le visage de Valia arborait une expression de colère comme il n’en avait jamais vu auparavant.

« Ce ne sont que des rumeurs, je te l’assure ! Des ragots sans importance ! Je te le jure sûr ma propre vie... »

Valia avait alors tapé du poing sur le bureau avec rage !

« Menteur ! Tu étais jaloux de moi parce que je suis devenu roi, alors tu as séduit ma femme c’est ça ? C’est ta vengeance pour n’être resté qu’un rien du tout alors que moi je suis devenu roi ? »

Une fureur malsaine brillait dans les yeux de Valia. Kara s’était mis à feuler dans sa direction.

« Je n’ai rien fait de tout cela… je n’accomplis juste que ce que tu es incapable de faire !
- Fait attention… je te rappelle que je suis le roi, je pourrai te faire exécuter pour trahison si je le voulais.
- Tu n’as rien d’un roi ! Et je te rappelle que c’est grâce à moi que tu portes cette couronne ! Tu… »

Il n’avait pas pu terminer sa phrase. Valia avait contourné le bureau et s’était jeté sur lui, ses mains s’étaient enserrées autour de sa gorge tout en lui hurlant de se taire. Coincé entre lui et le bureau, il se débattait mais l’air lui manquait tout comme ses forces. Sa fidèle Kara s’était élancée sur Valia dans une tentative de sauver son maître mais Valia l’avait envoyer valser plus loin d’un geste de la main, avant de resserrer sa prise sur la gorge d’Anikeï. Alors qu’il se sentait partir, Valia s’était soudainement écroulé par terre.

Anikeï s’était également laissé tomber, toussant, tâchant de reprendre l’air, avant de fixer la flaque de sang qui se formait sous le corps de Valia sans comprendre.

Il lui avait fallut un moment pour réaliser que dans sa lutte pour échapper à Valia, sa main s’était refermée sur le coupe-papier qui lui avait servit à ouvrir les missives et que dans une tentative désespéré pour se protéger, il l’avait enfoncé dans le cœur de son ancien ami. Qu’il venait de le tuer.

Il était resté longtemps sur le sol, incapable de bouger, même quand Kara – qui avait juste été assommée – l’avait rejoint et s’était mise à lui mordiller les oreilles comme pour lui dire de se lever et de courir loin, avant que quelqu’un n’arrive.

La porte s’était ensuite ouverte sur Inga. Elle aussi s’était figée en découvrant la macabre scène avant de reprendre vite ses esprits. Prenant garde à éviter le cadavre de son défunt mari, elle avait entraîné Anikeï plus loin et l’avait doucement secoué.

« Anikeï… tu m’entends ? »

Il était alors sortit de sa torpeur.

« Oh mon dieu Inga… je suis désolé… c’était un accident, je le promets, je…
- Je te crois mon cher petit chat… mais les gardes ne te croiront pas. Même si j’interviens, tu ne seras pas pardonné, malheureusement. Il faut que tu partes ou on tu seras exécuté.
- Alors viens avec moi. Prends Katioucha avec toi et partons.
- Ce n’est pas possible. Je suis la reine. Je ne peux pas abandonner mon peuple. »

Elle avait alors sortit une étrange clef de sa poche.

« Il y a quelques mois de ça un étrange marchand m’a vendue cette clef en m’affirmant qu’elle était magique et me permettrait de m’installer dans un pays où je pourrais tout recommencer depuis le début. Je voulais que nous l’utilisions tous ensemble quand Katioucha serait un peu plus grande mais tu n’as plus le choix désormais, il faut que tu partes loin d’ici.
- Mais je ne veux pas vous quitter ! »

Il ne voulait pas partir, laisser les deux personnes qu’il aimait le plus au monde dans ce nid de vipères, avant de réaliser que si il restait ça ne changerait pas grand-chose, mis à part qu’Inga serait forcée de le voir pendu au bout d’une corde.

Il n’avait pas d’autre choix que de partir, pour ne jamais revenir. C’était le prix à payer pour cette clef, pour sa naïveté, pour avoir voulu descendre de sa barque.

***

Il avait longtemps cru aux princes charmants, s’était bercé d’illusions, avait rêvé trop grand. La réalité l’avait rattrapé de plein fouet.

Il avait compris la leçon. Désormais ici il ne serait rien de plus qu’un pêcheur parmi tant d’autres au Refuge de Barbe-Brume.

Pourtant le soir, alors qu’il regagnait la maison qu’il s’était bâtit en compagnie de sa fidèle Kara qu’il n’avait pu résoudre à laisser derrière lui, la nostalgie le gagnait et devant lui dansait les images de ceux qui avaient compté pour lui : sa famille, Inga, Katioucha, Léonid. Il n’avait même pas eu l’occasion de leur accorder des adieux décents. Qu’étaient-ils devenus après toutes ses années ? La question tourmentait ses nuits.

Et le matin venu, il laissait les fantômes de son passé chez lui pour rejoindre sa barque et ne redevenir qu’un simple pêcheur.




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En réalité je m'appelle : PSEUDO et j'ai xx ans. J'ai découvert Untold Stories via comment avez-vous connu le forum et si j'avais un dernière chose à dire avant de commencer, ce serait : vos derniers mots de vous à nous !
Antonin Dolohov
Antonin Dolohov
MessageSam 20 Nov - 21:39

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Des princes, Anikeï en avait rencontré plusieurs dans sa vie, chose étrange pour un simple pêcheur comme lui. Des princes ce n’est pas ce qui manque au Royaume Enchanté et ses environs. Il y en a toujours des princes. Ils peuplent les châteaux et les salles de bal, les forêts, les grottes, les tavernes, les bordels, les ports, les navires, les villes… toujours en quête d’aventures, de guerres à mener ou de belles jeunes filles à sauver. C’est presque comme une seconde nature, cet esprit aventureux et chevalier, tout comme leur beauté. Les histoires le disent, les princes sont des êtres nobles, des modèles de perfection dans un monde imparfait.

C’est ce qu’Anikeï pensait aussi avant. Plus jeune, il adorait écouter les récits de ces princes courageux, affrontant sorcières et dragons pour sauver l’élue de leur coeur. Il rêvait souvent d’être à leur place et d’affronter à son tour des géants ou bien tout simplement, d’être sauvé par un beau prince. Ce n’était que des rêves, parce qu’il savait très bien qu’il y avait peu de chances pour qu’un jour il ne croise la route d’un prince.

Il fallut ensuite rencontrer plusieurs de ses princes pour se rendre compte que la plupart du temps, ces derniers n’étaient que des hommes comme lui. Certains étaient des lâches, certains étaient laids, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur, mais surtout imparfaits. Au fils de ces rencontres, ces princes s’étaient révélés êtres des êtres capricieux, colériques, narcissiques, égoïstes, moqueurs et menteurs.

Les histoires mentaient au sujet des princes et ça, Anikeï ne pouvait que le confirmer.

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14 ans


L’hiver a été particulièrement rude cette année là. Le vent soufflait sans cesse, la neige ne cessait de tomber en un ballet narquois sur le sol, à tel point qu’on ne pouvait plus sortir de chez soi. Il avait aussi été particulièrement long, empiétant sur le printemps et même une fois ce dernier installé, ils subsistait ça et là des tapis de neige ou des sols, des rivières si gelées que seul un géant aurait pu briser.

Durant cet hiver si cruel, Anikeï avait vu son père, son frère aîné et sa plus jeune sœur être emportés par le froid. C’est donc lui et son autre frère qui durent prendre la relève et monter sur la barque à leur tour, pour faire vivre le reste de la famille. Seulement, à cause de ce cruel hiver, pêcher sur le lac s’était avéré presque impossible et les deux garçons peinaient à rapporter de l’argent. Si le froid ne les avaient pas emportés, la faim s’en chargerait et ça, Anikeï ne pouvait pas l’accepter. Par chance, il était ami avec un des fils du meunier, qui avait accepté de leur céder quelques sacs de farine gratuitement mais il savait très bien que tout le monde ne serait pas aussi clément que le père de son meilleur ami. De toutes les manières il refusait de laisser les choses lui tomber directement dans la main sans rien faire, c’est pourquoi un jour, après avoir réfléchit à plusieurs solutions pour venir à bout de cette situation, il annonça à sa famille :

« Je vais aller au château demander du travail, le temps que la glace disparaisse complètement du lac, au moins nous gagnerions de quoi nous nourrir et nous vêtir jusque là ! »

Et le jeune garçon partit en direction du château malgré les protestations de sa mère et les moqueries de son frère qui ne pensaient pas qu’on voudrait l’embaucher là-bas. Qu’importe, il devait au moins essayer.
Quand il se présenta au château, l’intendant le chassa immédiatement, refusant de l’écouter, mais Anikeï ne bougea pas, malgré les menaces et les gardes présents. Il était venu ici pour demander du travail et ne partirait pas tant qu’on ne l’aurait pas écouté. Et malgré son air miséreux, avec ses vêtements trop grands et rapiécés, sa silhouette maigrichonne et ses traits creusés par la fatigue et la faim, il ne se laissa pas démontrer pour autant, même quand un garde le menaça de la pointe de son épée. L’altercation finit par attirer l’attention d’un des fils du roi qui voulut s’enquérir de l’affaire.
Quand le prince fit son apparition, un léger sourire teinté d’espoir se dessina sur le visage d’Anikeï. Si le prince s’en mêlait, alors il obtiendrait gain de cause, il en était sûr. Il observa le visage aux traits nobles, comme ceux des histoires que lui racontait son père.
Mais ce ne fut pas un sourire bienveillant qui orna le beau visage du prince, mais un sourire cruel, qui étaient censés appartenir aux monstres qu’ils étaient censés combattre.

« Va-t'en ! Nous n’avons pas besoin d’un pauvre pouilleux comme toi ici ! »

Un éclat de rire moqueur s’en suivit. Cependant, malgré l’humiliation, Anikeï refusait de laisser tomber sa requête, alors il insista, implorant la nécessité de gagner de l’argent et de faire vivre sa famille, mais ses suppliques laissaient le prince indifférent. Comme il ne bougeait pas, ce dernier s’impatienta et s’avança vers lui et avant qu’Anikeï ne puisse comprendre ce qui se passait, la main du prince s’abattait sur sa joue, le faisant chuter au sol.

Les larmes lui montèrent aux yeux tandis qu’on le chassait encore et que ses rêves d’enfants à propos des princes fondaient plus vite que la glace du lac. Ça lui faisait d’autant plus mal qu’il allait devoir rentrer chez lui et donner raison aux autres, leur expliquer qu’il avait perdu une journée de travail pour rien. Puis une main ornée de bagues serties de pierres précieuses apparu devant son visage. Levant les yeux, Anikeï devina un visage semblable à celui du prince à travers ses larmes, bien plus marqué par la vieillesse cependant et aux traits plus doux. Légèrement hésitant, Anikeï attrapa la main tendue qui l’aida à se relever.

« Pardonne la conduite de mon fils mon garçon, indigne de son rang. »

Le roi. Trop impressionné pour penser à s’incliner devant lui, Anikeï le fixa, stupéfait.

« J’ai cru comprendre que tu avais une requête qui t’a été refusée…
- Ce n’est pas vrai ! »

Retrouvant l’usage de la parole, Anikeï s’empressa d’ajouter.

« Je suis venu ici dans l’espoir d’obtenir un travail, mais votre intendant n’a pas voulu m’écouter votre majesté. Ensuite votre fils est venu et s’est moqué de moi et a refusé de m’écouter quand je lui ai expliqué en quoi ce travail était important ! »

Le prince le fusilla du regard.

« Du travail ? Ici, mais pourquoi ?
- L’hiver a été rude votre majesté. J’ai du enterrer mon propre père, mon frère aîné et ma petite sœur qui n’avait même pas deux ans ! Le lac est encore si gelé qu’il nous est impossible de pêcher. Le froid nous aura peut-être épargné moi et ma famille, mais ça ne sera pas le cas de la faim. C’est pour ça que je suis ici, pour ramener un peu d’argent. Je ferais tout ce qu’on m’offrira, je ne suis pas difficile. Juste le temps que je puisse de nouveau aller pêcher. S’il-vous-plaît votre majesté, épargnez à ma mère le chagrin de devoir enterrer un autre de ses enfants. »

Le roi fronça les sourcils, sembla réfléchir quelques secondes, avant de répondre :

« Bien, si c’est ce que tu désires, nous trouverons bien un travail à t’offrir ici… j’aimerais juste savoir une chose mon garçon : pourquoi es-tu venu me trouver ici et non quelqu’un d’autre ?
- Je me suis dit que j’avais plus de chance. Et puis ça ne coûte rien de demander. Tout le reste est au dessus de mes moyens. »

Le roi éclata alors de rire, un rire franc tout en posant une main  affectueuse dans les cheveux en bataille d’Anikeï.

« Rentre chez toi mon garçon et reviens demain, tu commenceras alors à travailler ici, je t’en donne ma parole.
- Merci votre majesté ! »

Ce soir là, après avoir annoncé la bonne nouvelle à sa famille, Anikeï repensa à ce qu’il s’était produit. Le prince s’était montré odieux et méprisant envers lui. Dans les histoires, ils n’agissaient jamais ainsi. Le roi lui s’était montré clément et altruiste. C’était sans doute pour ça. Le prince avait sans doute encore à apprendre auprès de son père pour devenir comme lui un jour, pour devenir le prince charmant des histoires. Anikeï en était convaincu.

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20 ans


La situation n’a guère changé pour lui. Toujours sur cette barque à attendre. Il ne peut plus espérer franchir les portes du château pour un quelconque travail depuis que le roi est mort et que son fils lui a succédé, ce dernier n’a pas oublié leur première rencontre.
Mais ce n’est plus sur un prince ou un roi que reposaient ses espoirs désormais : la ville est son nouvel espoir. Là bas, il en est persuadé, il pourra s’élever, pourquoi pas devenir percepteur pour peu qu’il s’instruise un peu mieux.

Un matin, alors qu’il pêchait seul, un grand cri ainsi qu’un bruit de chute d’eau le tira de son travail. Sans réfléchir, ce qui ne lui ressemblait d’ailleurs pas, il dirigea sa barque vers la source du bruit tout en espérant qu’il ne s’agissait pas d’un piège d’un démon des eaux pour le noyer.

Ce n’était pas un démon des eaux ou une Roussalka qui se baignait que découvrit Anikeï à bord de la barque, mais un homme qui se débattait furieusement dans l’eau tout en appelant à l’aide.

« Calmez vous, je vais vous aider : attrapez mon filet et je vous hisserai à bord. »

L’inconnu lui obéit et attrapa le filet qu’Anikeï lui lança, s’y agrippant avec force tandis que de l’autre côté, Anikeï tirait de toute ses forces tout en prenant garde à ne pas basculer en arrière. Il parvint à hisser l’homme à bord de la barque, non sans déchirer le filet, ruinant ainsi ses chances de pêcher autre chose aujourd’hui.

« Ce n’est pas encore l’époque pour se baigner vous savez. »

L’inconnu le dévisagea, surpris, ne sachant pas si son sauveur était sérieux ou non.

« Réjouissez-vous, j’ai bien plus de valeur que toutes les prises que vous ferez dans votre vie. 
- Ça  j’en doute fort, il faut être idiot pour se promener par ici de si bon matin, surtout quand on ne connaît pas les environs, un seul mauvais pas peut vous être fatal. »

L’homme qui lui faisait face ouvrit de grands yeux étonnés face à tant d’insolence.

« Savez-vous seulement qui je suis ? »

Il n’en avait aucune idée, mais les vêtements de l’inconnu, bien que trempés, étaient magnifiques, indiquant que celui qu’il venait de sauver était sinon de condition noble, quelqu’un de très riche. Néanmoins, Anikeï ne pu s’empêcher de hausser les épaules, comme si il s’en moquait.

« Je suis le prince Leonid Orlov du royaume d’Argent ! »

Sans doute ce prince espérait-il qu’Anikeï se mette à genoux après cette déclaration. Mais ce dernier haussa de nouveau les épaules.

« Qu’importe, ce n’est pas moi qui aie manqué de me noyer en étant imprudent. »

Anikeï posa sur l’homme un regard plein de malice. Le prince le fixa, incrédule.

« Bon, je vais vous ramener sur la terre ferme votre altesse, avant que vous ne recommenciez à vous prendre pour une Roussalka. »

Le prince grommela quelque chose entre ses dents tandis qu’Anikeï ramait en direction de la rive, où se trouvait un cheval qui semblait attendre l’arrivée de son royal propriétaire. Le prince descendit de la barque, il avait bien de la chance lui et s’avança vers sa monture, avant de se retourner.

« Attendez… je dois me rendre au château du royaume de Cuivre mais je me suis perdu en chemin… pouvez m’indiquer la direction à suivre ? J’aimerai y arriver avant ce soir et entier.
- Bien sûr, vous n’êtes plus très loin de toutes les manières votre altesse. »

Après lui avoir donné la direction de la route à prendre, le prince partit au galop sans demander son reste. Il ne l’avait même pas remercié. Bon d’accord, il l’avait taquiné mais tout de même. Cependant, il commençait à se faire à l’idée que les princes n’avaient rien à voir avec ceux des contes. Son amertume augmenta en constatant que la déchirure du filet était importante et qu’il allait devoir en racheter un neuf, ruinant ainsi les économies qu’il avait faites pour se rendre en ville.

Quelques jours plus tard, alors qu’il était en compagnie de trois de ses plus jeunes frères et sœurs au bord du lac, à leur apprendre quelques rudiments de pêche, trois gardes royaux firent leur apparition. Instinctivement, Anikeï se plaça devant les plus jeunes, protecteur. Un des gardes pointa son doigt sur lui.

« Toi ! Il faut que tu nous suives ! Tu es demandé au château.
- Et pourquoi ?
- Ne pose pas de questions et suis nous ! »

Comprenant qu’il valait mieux obéir sans discuter, il demanda à ses frères et sœurs de rentrer à la maison tout en les rassurant, avant de suivre les gardes, tout en se questionnant sur ce qu’on pouvait bien lui vouloir. Le roi le détestait, mais sans doute pas assez pour l’accuser d’un quelconque larcin, il avait bien mieux à faire, mais peut être que le prince qu’il avait sauvé se souvenait enfin de lui, à moins qu’il ne veuille lui faire payer son insolence vis-à-vis de lui.

Franchir les portes du château fut étrange, après tout ce temps, tout comme ne pas suivre la direction des écuries ou des sous-sols en compagnie des domestiques. Mais franchir la porte de la salle du trône fut plus étrange encore. Anikeï balaya son regard sur les dorures, le parquet et le reste de cette salle si richement décorée en vitesse. Devant lui, affalé avec désinvolture sur le trône  se trouvait le roi, qui lui lança un regard méprisant, tout comme la reine assise à ses côtés. De l’autre, il y avait le prince qu’il avait sauvé, qui lui, se leva immédiatement en souriant en le voyant apparaître.

« Ainsi c’est donc lui ton chat sauveur ? Un pauvre pêcheur ! »

Le prince ignora superbement la remarque acerbe du roi pour s’avancer vers Anikeï qui avait ouvert de grands yeux à chat sauveur.

« Oui votre majesté ! Sans lui je serais sans doute au fond de ce lac ! Mais le pire dans cette histoire, c’est que je n’ai même pas eu la décence de remercier ce jeune homme convenablement, alors que je lui dois la vie ! »

Le prince avança vers Anikeï et tendit une main vers lui. Avec une étrange impression de déjà-vu, Anikeï lui serra la main, incapable de prononcer un mot, sentant seulement une étrange chaleur lui monter aux joues tandis que le prince lui souriait.

« Je crains que ma mésaventure ne m’ait perdre la tête. J’étais trempé et j’avais froid et surtout, très vexé par ce qui venait de se produire : je suis partit sans même vous remercier. Je suis heureux de pouvoir me rattraper aujourd’hui et j’espère que vous accepterez mes excuses quand à ma conduite.
- B..  bien sûr votre altesse. Et je n’ai fait que mon travail vous savez, pêcher. »

Le prince partit dans un fou rire. La reine tenta de dissimuler un rire derrière ses mains mais le roi émit un grognement.

« J’ai une dette envers vous, une très grande dette. Demandez moi ce que vous voulez, je vous l’accorderez. 
- Et bien… peut-être pourriez vous me rembourser le filet avec lequel je vous ai tiré de l’eau. »

Cette fois-ci, le prince le dévisagea comme si il avait perdu la tête.

« C’est tout ? Ma vie contre un filet ?
- Ce filet c’est la mienne. Sans lui je ne peux pas travailler. Sans lui je ne gagne rien. 
- Alors soit, si c’est ce que vous désirez. »

Sur ce, le roi décida qu’il était temps qu’Anikeï ne parte et pour une fois, il ne pouvait qu’être d’accord avec lui.
Il était sortit du château depuis quelques instants à peine, qu’une voix familière se fit entendre dans son dos. Le prince. Encore lui. Que lui voulait-il donc encore ? L’affaire était close pour lui.

« Attendez… je… je viens de réaliser que je ne connaissais pas votre nom. »

Le prince le regardait tout en se mordillant les lèvres, les mains derrière son dos, comme si il cachait quelque chose. Bon, si il n’y avait que ça pour lui faire plaisir.

« Je m’appelle Anikeï Kotov votre altesse.
- Anikeï ? J’aime beaucoup, c’est joli. »

Ne sachant pas si il devait le remercier, Anikeï se contenta de baisser la tête.

« Ecoutez… j’aimerais vraiment vous remercier, plus qu’avec un filet. Vous ne désirez vraiment rien ? »

Si. Il désirait une autre vie que celle de pêcheur, il désirait quitter cette fichue barque pour toujours. Il n’avait qu’à le dire et le prince le couvrait d’or. Mais il avait aussi sa fierté.

« Rien du tout votre altesse. Passez une bonne journée. »

Il allait partir de nouveau et le laisser ici, le laisser retourner à sa vie de prince.

« Non, Anikeï attendez – le prince sortit les mains de son dos pour dévoiler une superbe paire de bottes en cuir avec des boucles en argent – ce n’est pas grand chose mais je tenez à vous offrir quelque chose de mon royaume. »

Pourquoi lui offrait-il ces bottes ? Que pouvait-il bien faire de pareils objets ? Elles allaient s’abîmer dans l’eau et il ne pouvait décemment pas vendre un cadeau.

« Je ne peux pas accepter votre altesse ! Que voulez-vous que je fasse avec ces bottes ? Elles sont bien trop précieuses pour un pauvre pécheur comme moi... 
- Contentez vous de les accepter. En souvenir de moi. »

Le prince continuait de le fixer en se mordillant les lèvres avant de se remettre à sourire de nouveau quand Anikeï acquiesça de la tête.

« Il faut que je retourne chez moi votre altesse. »

Une manière de dire que leur chemin se séparaient là. Le prince sembla le comprendre.

« J’aurai bien aimé vous connaître un peu plus Anikeï. Vraiment. Je vous souhaite de la chance dans votre vie, bien sincèrement. »

Ils devaient partir maintenant. Sauf qu’Anikeï n’arrivait pas à bouger, subjugué par le regard sombre du prince. Au moment où il fit un pas en arrière, les mains du prince se posèrent sur sa taille et il approcha son visage du sien pour déposer ses lèvres sur les siennes. Il ne bougea pas.

Après tout, les princes charmants existaient peut-être.

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25 ans

« S’il te plaît Nika, aide moi ! »

Ce n’est pas la première fois, ni la dernière qu’il entendra cette phrase, ni ne verra cette mine suppliante sur le visage de son meilleur ami. Retenant un soupir, Anikeï sauta du toit de son isba qu’il était en train de réparer, atterrissant avec souplesse en face de Valia.

« Dans quel pétrin t’es-tu encore fourré cette fois-ci ? 
- Bah c’est pas vraiment moi cette fois ci, enfin pas vraiment… tu vois les fils du boucher ? J’ai joué aux cartes avec eux la semaine dernière, on a fait un gros pari et j’ai perdu, mais j’suis sûr qu’ils ont triché parce que c’est pas possible autrement et maintenant ils réclament leur argent mais j’ai plus rien mais ils sont plus nombreux, j’sais pas comment faire…. »

Réprimant une forte envie de rouler les yeux au ciel, Anikeï se contenta de soupirer avant interrompre son ami d’un geste de la main.

« Je vais voir ce que je peux faire, mais je ne peux pas te promettre grand-chose. Depuis le temps, tu devrais savoir que jouer son argent n’apporte rien de plus que des ennuis. »

Et comme pour appuyer ses dires, un miaulement mécontent retentit. A la vue du chat qui venait d’apparaître, Valia se renfrogna tandis qu’Anikeï se baissa pour que l’animal puisse sauter sur son dos et s’installer sur ses épaules. Aussitôt installé, le petit félin se mit à ronronner tout en fixant Valia de ses yeux perçants.

« Elle m’en veut encore pas vrai ?
- Tu l’as bien cherché aussi ! Bon allons rendre une visite aux fils du boucher, je vais tenter de négocier pour toi. »

Valia le remercia et il se mirent en route en direction du village, l’isba d’Anikeï se situant à proximité du lac.

Quand le père de Valia était mort quelques mois auparavant, il avait légué son moulin à son fils aîné. Le cadet avait hérité de l’âne et Valia, le benjamin, du chat qui se tenait perché sur les épaules d’Anikeï. Quand son ami avait appris son héritage, il était entré dans une colère noire, hurlant à l’injustice et de rage, avait tenté de noyé le chat, qui n’était alors qu’à ce moment là qu’un chaton famélique. Anikeï l’avait alors sauvé, de justesse et depuis le chaton, une femelle, ne le quittait plus. Baptisée Kara, cette petite boule de poil s’était remise de ses émotions, était même devenue une chasseuse hors-pair mais gardait une rancune tenace à Valia, ne manquant jamais de cracher ou de feuler dès qu’elle l’apercevait. Cette tentative de noyade avait même été l’objet d’une énorme dispute entre les deux amis qui avaient finit par se réconcilier.

Il était devenu rare qu’Anikeï se rende au village désormais. Comme son père avant lui, il passait le plus clair de son temps sur le lac à pêcher et ne se rendait là-bas que pour effectuer des achats ou régler des affaires importantes. Il possédait malgré tout une assez bonne réputation. Quand il arriva devant la boucherie, deux des fils qui étaient occupés à charger d’énormes pièces de boeuf lui adressèrent un sourire, avant de froncer les sourcils en apercevant Valia derrière lui. Ils ne leur fallut que quelques secondes pour comprendre la raison de sa présence.

« Tu t’es déplacé pour rien petit chat, ton ami nous doit de l’argent et nous ne le laisserons pas filer, pas cette fois-ci ! »

Anikeï ouvrit la bouche pour protester, mais le deuxième frère continua :

« Je ne sais pas ce que ce bon-à-rien t’a raconté mais sache que cet idiot s’est cru malin en voulant nous berner aux cartes. Il nous devait déjà une certaine somme d’argent auprès de nous et de notre père et il a essayé de négocier ses dettes aux cartes. Nous nous serions montrés cléments si il n’avait pas triché. »

Derrière lui, Valia fusillait les deux fils du regard. Anikeï le fixa pendant plusieurs secondes, cherchant chez son ami une trace de culpabilité, de honte après cette révélation mais n’en trouva pas. Ça ne l’étonnait guère en réalité. Valia s’était toujours montré irresponsable, surtout quand il s’agissait d’argent et usait souvent de son physique pour parvenir à ses fins, à défaut de sa tête. Il était beaucoup trop impulsif de toutes les manières.

« Je vois qu’il a omis de te raconter l’histoire en détail ou bien qu’il l’a raconté à sa manière…
- Peu importe – Anikeï soupira – il payera sa dette, je m’en porte garant. Je vous demande juste de lui accorder une semaine de délai. »

Les deux frères se consultèrent du regard, avant de hocher la tête en direction d’Anikeï.

« Bien. Mais ce n’est pas pour lui que nous faisons cette faveur. Et si rien n’est payé dans une semaine, nous irons régler cette affaire au château. 
- C’est d’accord, marché conclu. »

Alors qu’Anikeï s’avançait pour serrer la main des deux fils, le cadet se pencha pour lui murmurer à l’oreille :

« Un conseil petit chat, tu devrais arrêter de voler sans cesse à son secours. Ce gars là n’est pas ton ami, il se sert de toi et un jour c’est à toi qu’il attirera des ennuis. »

Sur ce, les fils retournèrent à leur travail. Derrière lui, Valia semblait soulagé et remercia vaguement Anikeï avant de disparaître il ne savait où. Il ne lui restait plus qu’à rentrer chez lui et trouver une solution.

Une solution ou plutôt des solutions, Anikeï en avait cherché pendant trois jours, seul. Il s’était fâché avec Valia quand ce dernier lui révéla qu’il avait dilapidé tout l’argent que son père lui avait légué à sa mort, en plus de Kara, en grande partie dans des jeux, de la boisson et des filles de joie. Aucun de ses frères aînés ne voulait lui venir en aide. L’avertissement du fils du boucher lui revenait sans cesse en tête. Peut-être avait-il raison. Valia n’était pas son ami. Sauf qu’Anikeï ne pouvait pas se faire à cette idée. Il avait partagé tant de choses avec Valia et ce, depuis l’enfance. Ils étaient comme des frères. Du moins ils l’avaient été. Mais en grandissant tout deux avaient choisis des chemins différents : il ne leur restait plus que ces souvenirs d’enfance auxquels Anikeï accordait beaucoup d’importance. Il en avait eu le preuve aujourd’hui même : Valia n’était pas venu le voir lui pour prendre de ses nouvelles mais bien parce qu’il comptait sur lui pour le tirer d’un mauvais pas, chose qu’il avait bien du mal à admettre.

Alors qu’il réfléchissait à tout cela, l’image du prince Léonid vint s’ajouter à ses pensées, le troublant encore plus. Ce prince qui avait laissé une marque ineffaçable dans son esprit, éveillant des sentiments inconnus chez lui. Qui lui avait offert une paire de bottes et un baiser.

Les bottes. Il les avaient toujours, il les gardaient cachées, bien précieusement. A elles seules, ces bottes pouvaient lui permettre de vivre décemment pendant plusieurs mois. Peut-être était-ce là, la solution.

Mais l’amitié qui les liaient valait-elle la peine de vendre le souvenir d’un prince charmant envers lui ?

Anikeï pesa le pour et le contre toute la nuit. Le lendemain, il alla retrouver Valia.

« Prépare tes affaires, nous allons en ville, je sais comment régler tes dettes. »

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La ville n’était qu’à deux jours de marche. En se dépêchant, ils auraient le temps d’effectuer un aller-retour pour vendre les bottes et revenir à temps pour payer les dettes.
Quand il avait annoncé ce qu’il comptait faire, Valia avait remercié bruyamment Anikeï, l’avait même pris dans ses bras, ce qui lui avait donné l’espoir que ce voyage, ce qu’il faisait en valait la peine.
Valia l’avait interrogé sur la manière dont il avait obtenu les bottes, mais Anikeï n’avait pas pu se résoudre à lui raconter toute l’histoire, alors il avait laissé tombé, trop heureux de se voir tiré d’affaire, encore une fois, par son meilleur ami. Il était si heureux qu’il n’avait même pas protesté quand Anikeï lui avait dit qu’ils voyageraient avec Kara. Cette dernière en revanche ne semblait pas enchantée de l’avoir comme compagnon de voyage.

Alors que la première journée s’achevait, il furent contraints de s’arrêter dans une auberge pour éviter de passer la nuit dehors et de se faire attaquer par des bandits.

« Ce n’est pas des bandits que vous devez avoir peur ici, mais du géant ! »

Valia ne prêta pas attention aux paroles de l’aubergiste et une fois son dîner avalé, monta se coucher. Intrigué par cette histoire de géant, Anikeï interrogea l’aubergiste.

« On dit qu’y s’est installé après avoir tué l’prince et sa famille. Ensuite il’forcé tous les domestiques à l'obéir mais certains c’sont échappés et y disent qu’y fais’ait aussi d’la magie. Y en a beaucoup de jeunes comme toi qu’on essayé d’le tuer, mais sont jamais r’venus. Chais pas si c’est vrai ou pas, en tout cas c’est pas bon pour nous tout ça. »

Un géant, des princes… ce n’étaient pas ce qui manquait des princes par ici. Les géants étaient plus rares. Anikeï repensa à son prince charmant. Lui il l’aurait vaincu le géant il en était sûr. Sur cette pensée, il remercia l’aubergiste et partit se coucher en compagnie de Kara, le cœur serré en songeant aux bottes dont il allait devoir se séparer.

Ils reprirent leur voyage le lendemain, en silence, ne s’accordant qu’une pause pour déjeuner rapidement, non loin d’une rivière. Ravie de pouvoir descendre de son perchoir – à savoir Anikeï – Kara en profita pour explorer les alentours et grimpa dans un arbre, si haut qu’elle se retrouva coincée. Poussant des miaulements de détresse, Anikeï n’eut d’autre choix que de grimper à son tour pour aller la récupérer. Atteignant sans difficulté sa compagne à fourrure, qui se réfugia dans ses bras, il allait faire de même en sens inverse quand un éclat doré attira son intention. Plissant les yeux, il distingua au loin un magnifique carrosse. Il ne parvenait pas à distinguer les armoiries de la porte, mais il devina sans mal que des membres d’une famille royale se trouvaient à l’intérieur et se dirigeaient vers eux. Peut-être qu’il y avait même un prince, un prince partit pour battre le géant…

Une idée germa alors dans son esprit. Une idée folle, mais qui pouvait peut-être marcher. S’assurant que Kara était bien accrochée à lui, il descendit de l’arbre en quatrième vitesse et rejoignit Valia.

« Vite lève toi ! Je viens d’avoir une idée ! Il faut qu’on aille à la rivière d’abord, dépêche toi ! »

Valia le regardait comme si il venait de perdre la raison, mais devant l’insistance de son ami, obtempéra sans discuter, même si il fut réticent quand il lui demanda de se déshabiller pour entrer dans l’eau.

« Tu restes ici et tu ne bouge pas, fais moi confiance ! »

Anikeï s’éloigna après avoir enfilé les bottes qu’il avait prévu de vendre. Elles lui allaient à merveille et étaient incroyablement souples. Au loin, le bruit du carrosse se faisait entendre, se rapprochant de plus en plus. Dès qu’il fut dans son champs de vision, Anikeï se jeta au milieu de la route en écartant les bras. Le cocher s’arrêta de justesse et commença à l’incendier, quand une jeune fille descendit.

« Que signifie ceci ? Avez vous perdu la raison, vous avez manqué de nous faire tuer tous ! »

Malgré son air contrarié, la jeune fille avait des airs de poupée fragile. Anikeï jeta un rapide coup d’œil à la couronne qu’elle portait sur la tête.

« Mes excuses votre altesse ! Seulement voilà, mon maître et moi même venons d’êtres victimes de voleurs. Alors que mon maître se baignait dans la rivière, ces bandits en on profité pour lui voler ses habits : l’un d’entre eux m’avait immobilisé, je n’ai rien pu faire ! C’est affreux ! »

La princesse écarquilla les yeux. A son tour sortit un homme plus âgé, son père sans doute.

« Votre maître dites vous ? Qui est-ce ? »

Il n’avait pas pensé à ça… puis il posa son regard sur Kara qui s’était installée à ses pieds.

« Le marquis de Carabas votre altesse !
- Carabas ?
- Les ancêtres de mon maître étaient des étrangers qui sont venus s’installer dans la région… mais nous n’avons pas le temps pour ça, mon maître est en train de prendre froid ! »

Alors que le roi et son cocher partaient en direction de la rivière avec des couvertures pour secourir le prétendu marquis – Anikeï avait vaguement expliqué son plan à Valia et il espérait qu’il tienne son rôle – il s’inclina devant le princesse.

« Votre altesse… le château de mon maître n’est pas très loin, nous étions simplement partit nous balader. Seriez vous assez aimable pour le ramener chez lui ? Pendant ce temps là, je vais prévenir le château de votre arrivée. »

Il ne lui laissa pas le temps de répondre, lui indiqua la direction du château – il l’avait lui même demandé à l’aubergiste – et courut dans cette même direction, Kara sur les talons.

Le chemin semblait défraîchit, comme si l’arrivée du géant avait tout saccagé. Cependant, il fut surpris de trouver un champs où des paysans étaient occupés à cultiver. Anikeï s’approcha d’eux et les interrogea sur le propriétaire des terres : ceux ci lui affirmèrent, non sans peur, que tout le domaine qui s’étendait devant lui avait autrefois appartenu à un membre de la famille royale du royaume de Cuivre, mais qu’ils avaient été usurpés par le géant.

« Bien… bientôt un carrosse passera par ici. On vous demandera comme moi à qui appartient ce château. Vous répondrez qu’il appartient au Marquis de Carabas.
- Mais…
- Il en va de votre vie, ou vous serez haché menus comme chair à pâté ! »

Menacer les paysans n’était pas agréable mais nécessaire pour que son plan fonctionne. Il s’arrêta plusieurs fois devant des paysans, fermiers, domestiques sur la route menant au château et leur répéta la même chose.

Puis les portes du château apparurent devant lui et il sut qu’il ne pouvait plus reculer. Une fois à l’intérieur de la bâtisse, il constata que le château semblait avoir été à l’abandon. Ce qui ressemblait à la salle du trône était vide. Il remarqua cependant de multiples empreintes de pas boueuses menant à la plus haute tour du château.

Le cœur battant à tout rompre, il grimpa les marches une par une, sentant son courage vaciller plusieurs fois. Arrivé au sommet, il ne se donna pas la peine de frapper à la porte. Installé dans un fauteuil, jouant avec le cadavre d’un lièvre, se trouvait le géant. Pas si géant que ça d'ailleurs. Ce dernier tourna immédiatement la tête vers lui. Un sourire mauvais se dessina sur son visage, semblant deviner ses pensées.

« Ma magie me permet de me transformer à volonté, y compris de changer ma taille… chaton. »

Bien que terrorisé, Anikeï s’exclama :

«  Vraiment ! Vous devez être extrêmement puissant pour maîtriser ce type de magie !
- Merci mon chaton, mais la flatterie ne te mènera à rien. Je vais te tuer, ensuite je te mangerais, et ton chat aussi, en guise de dessert ! D’ailleurs… où est passée ton épée ? Je dois bien me curer les dents après mon repas... »

Le géant lui sourit, dévoilant une rangée de dents taillées en pointes. Quelques gouttes de sang apparurent alors sur ses lèvres gonflées mais le géant se contenta de passer sa langue dessus. Réprimant un frisson, Anikeï poursuivit :

« Je ne suis pas un prince. Je… je voulais juste avoir la preuve de votre existence.
- Et bien s’est fait, mais c’est dommage, tu ne pourras le raconter à personne. »

Le géant se leva et s’approcha de lui, le soulevant de terre comme si il n’était qu’un jouet de paille. Le géant sentait la crasse et le sang et cette odeur manqua de lui faire tourner de l’œil. Kara laissa échapper un long miaulement aigu, inquiète et apeurée elle aussi.

« Attendez ! Avant de me tuer, j’aimerais avoir une preuve de votre magie ! Vous pouvez bien m’accordez ça ? »

Le géant le lâcha.

« Habituellement on me défie au combat… soit mon chaton. J’excelle dans l’art de la transformation animale. Regarde ! »

Dans un nuage de fumée le géant se métamorphosa alors en un gigantesque lion, aux crocs pointus et poussa un tel rugissement que Kara bondit sur Anikeï en planta ses griffes dans son dos, tandis qu’il sentait ses propres jambes fléchir. Il ne lui suffisait que d’un coup de mâchoire pour les dévorer tous les deux. Le géant repris vite son apparence en ricanant.

« Satisfait ? Maintenant ne bouge pas que je te tue…
- C’était très impressionnant en effet… un choix imposant… mais… mais je me demandais… non c’est sans doute trop compliqué pour vous…
- Quoi donc ? Je peux me transformer en dragon si tu le souhaites !
- Je n’en doute pas ! Mais je suis septique quand à vos capacités de transformations : jusque là vous ne faites que dans la grandeur et le terrifiant.
- Et alors ?
- Je me demande si vous seriez capable de vous transformer en quelque chose de plus petit. Plus inoffensif. Comme une souris ou un mulot par exemple. C’est ma dernière requête et après vous serez libre de me tuer !
- Une souris ? C’est un jeu d’enfant pour moi mon chaton ! »

Et dans un autre nuage de fumée, le géant se transforma en une petite souris. Et sans plus attendre, Kara plongea sur le petit rongeur et le broya d’un seul coup de dents.

C’était terminé, le géant et son règne de terreur n’étaient plus.

Bien qu’au bord de l’évanouissement, Anikeï descendit de la tour pour se rendre dans la cour. Le château avait retrouvé son éclat d’antan, les effets de la magie du géant annulés avec sa mort.

Le carrosse arriva quelques instants plus tard. Le roi et sa fille en sortirent, suivis de Valia qui portait de magnifiques vêtements prêtés par le roi.

« Soyez les bienvenus sur le domaine de Carabas votre majesté ! Veuillez excuser le désordre, mais l’annonce de votre venue nous a tous mis dans un tel état d’euphorie que nous avons un peu perdu nos esprits. »

La princesse se mit à rire, tout en ne quittant pas Valia du regard. Le roi s’avança.

« Cher Marquis, vous avez là un domaine magnifique ! Cela ne vous ennuie pas si nous restons quelques jours à le visiter ?
- C’est un honneur pour nous votre majesté. »

Le rôle semblait convenir à Valia. Tant mieux. Ils n’avaient qu’à jouer le jeu pendant la durée du séjour du roi et ensuite ils retourneraient au village : il y avait assez de richesses au château pour combler les dettes de Valia, mais aussi pour leur assurer à tous les deux une vie décente.

Il allait pouvoir enfin descendre de la barque.

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Il y avait déjà plusieurs jours que le roi et sa fille séjournaient au château et la situation commençait à lui déplaire. Par chance, il avait pu se rendre au village sans attirer l’attention afin de régler les dettes de Valia auprès des fils du boucher, mais aussi pour rassurer sa famille de son absence. Non pas que la compagnie du roi et de sa fille, Inga, était désagréable au contraire, mais leur séjour ne semblait pas avoir de fin et tout ce que désirait Anikeï, c’était un retour à la vie normale ou presque : il avait amassé quelques pierres précieuses qui lui permettaient de pouvoir s’installer en ville et d’exercer un meilleur métier tout en prenant soin de sa famille. Et tandis que Valia se pavanait dans des habits des meilleures étoffes en compagnie du roi et de la princesse, lui devait courber l’échine et prétendre être à son service.

Ce dernier alla le trouver un jour qu’il était occupé à ranger la bibliothèque du château, mise sens dessus-dessous par le géant. Il n’était plus mais son sourire cruel hantait toutes ses nuits. Heureusement que Kara était là pour veiller sur lui.

« Nika ! Tu ne devineras jamais ? »

Levant les yeux d’un ouvrage qu’il feuilletait, Anikeï attendit que son ami lui annonce ce qu’il avait à lui dire.

« Je vais épouser la princesse Inga ! »

Le livre qu’il tenait dans ses mains tomba au sol avec un bruit sourd. Valia souriait de toutes ses dents.

« Son père m’aime beaucoup et elle aussi ! Il pense que je suis un bon partit pour elle ! »

Anikeï ne répondit pas tout de suite, sonné par cette nouvelle. Valia allait épouser la princesse. Il allait devenir prince.

« Tu n’es pas content pour moi ? Je vais épouser une princesse ! Elle m’aime !
- Et toi ? Est-ce que tu aimes la princesse ?
- Je ne sais pas. Elle est jolie. Tu te rends compte ? Moi, épouser une princesse, du royaume d’Or ! »

Valia le laissa ensuite sans demander son reste.

Il allait devenir prince. Son ami allait devenir un prince. Il aurait voulut se réjouir mais il n’y parvenait pas. Il sentait l’amertume, ainsi qu’une pointe de jalousie le gagner. C’était grâce à lui qu’ils en étaient là. C’était lui, et Kara qui avaient débarrassé le château du géant. Et ils n’avaient pas été remerciés. Du moins par Valia. Tous les autres serviteurs avaient deviné que c’était lui qui les avaient sauvés du géant. Mais Valia n’avait rien fait du tout. Il s’était juste contenté de prétendre être marquis. Peut-être qu’il était encore temps de dire la vérité. Après tout ça ne coûtait rien.

Mais pour une raison qu’il ne parvenait pas à expliquer, il se sentait incapable de le faire. Après tout son ami allait devenir un prince, mais lui pouvait toujours partir. Après tout rien ne le retenait ici.

« Oh vous êtes là ! Je pensais qu’il n’y avait personne. »

La princesse Inga. Il ne l’avait pas entendue arriver.

« Je vais me retirer votre altesse.
- Non restez ! Je cherchais un peu de calme… et de lecture. Mais que s’est-il passé ici ? On dirait qu’une tempête a eu lieu ici.
- Des voleurs sans doute, qui se sont introduits à notre insu. »

La princesse ne sembla pas convaincue mais ne dit rien, se contentant d’attraper un livre au hasard.

« J’aime beaucoup la lecture. Vous aussi ?
- Oui votre altesse, même si je n’ai pas eu beaucoup d’occasions pour lire dans ma vie.
- Comment ça ?
- Je viens d’une famille de pêcheurs votre altesse, mon père gagnait tout juste de quoi nous nourrir. J’ai du apprendre tout seul.
- Vraiment ? Vous devez être fier de vous ! »

Il ne lui répondit pas. Il n’avait pas envie de lui parler mais il était également difficile d’être désagréable avec elle. La princesse ne se formalisa pas de sa mauvaise humeur et alla s’installer sur le rebord de la fenêtre pour lire. A peine avait-elle ouvert son livre que Kara lui sauta sur les genoux en miaulant pour quémander des caresses. Il les regarda un moment, observant sa compagne de fourrure ronronner de contentement tandis que la princesse lisait tout en administrant des caresses à Kara, souriante. Il hésita quelques instants avant d’attraper un livre et de s’installer près de la fenêtre à son tout. La princesse leva les yeux, lui sourit puis se replongea dans sa lecture.

Le mariage fut célébré un mois plus tard, dans une grande cérémonie et des festivités qui avaient duré plusieurs jours. Il avait regardé son ami échanger ses vœux avec un pincement au coeur, n’arrivant toujours pas à savoir sur ce qui le dérangeais le plus dans cette histoire. Le fait d’être ici, parmi les servants, alors qu’il avait fait tout le travail. De ne pas être devant l’autel. En compagnie d’un joli prince. Sa seule consolation était d’avoir pu faire venir sa famille ici, près de lui.


Et lors que Valia et la princesse finissent par échangent un baiser sous les applaudissements de la foule, il se met à regretter sa barque.

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28 ans

Le roi est mort, vive le roi !

La nouvelle est un choc dans tous les royaumes : le roi du royaume d’Or est mort, laissant derrière lui une famille endeuillée et un peuple chagriné. Inga est inconsolable et il ne peut lui offrir que ses bras en guise de réconfort.

Si le mariage de Valia avec Inga a considérablement réduit leur amitié au fil des années, ce dernier ne lui accordant à peine un regard, il a gagné celle d’Inga. La pauvre princesse a vite déchanté en découvrant au fil des mois la véritable nature de son mari. Un paresseux, dépensier et fêtard qui s’est vite détourné d’elle pour courtiser sans vergogne d’autres jolis minois. Délaissés, les deux avaient trouvé un soutient, un confident l’un dans l’autre dans cette union malheureuse.

Le roi est mort hélas et dans son aveuglement, a désigné Valia comme successeur. Un jour doublement funèbre pour le royaume d’Or. Valia ne connaît rien à la politique, il ne sait que sourire et faire des courbettes.

« Ah si seulement je t’avais épousé toi mon cher petit chat, nous aurions été heureux et nous aurons épargné des années difficiles à notre peuple ! »

Peut-être aurait-il du épouser Inga après tout. Il ne l’aurait peut-être pas aimée dans le sens de l’amour, mais il l’aurait rendue heureuse.

« Je me suis laissé aveuglé par Valia ! Ah si seulement j’avais écouté le fils du boucher ! Je serai encore sur ma barque à l’heure qu’il est mais je n’aurai pas le cœur brisé ! »

Inga sait tout, il lui a tout raconté un soir que Valia était partit se coucher au bras d’une courtisane sans se soucier de savoir si son épouse le regardait ou pas. Il lui avait tout raconté, de sa rencontre avec le prince Léonid à son affrontement avec le géant. Il avait cru qu’elle allait se mettre en colère et les faire enfermer pour tromperies et mensonges, mais au lieu de ça, elle s’était contentée de le consoler alors que les larmes coulaient, se lamentant sur leur naïveté, eux qui avaient trop longtemps cru aux princes charmants des livres.

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30 ans

Cela fait déjà des heures qu’il se trouve aux côtés d’Inga alors que celle-ci hurle de douleur dans son lit, en train d’accoucher. Plus tôt dans la soirée, la reine avait ressentit de douloureuses contractions avant de perdre les eaux. Et comme son mari n’était pas présent, partit on ne savait où à s’amuser sans aucun doute, c’était Anikeï qu’elle avait fait appeler auprès d’elle pour la soutenir.

Alors qu’il s’était penché pour lui murmurer des paroles réconfortantes à l’oreille, il avait sentit les regards des sages-femmes sur lui. Il ne peut pas vraiment leur en tenir rigueur après tout. D’ordinaire ce sont les maris qui se trouvent au chevet de leurs épouses quand elles accouchent mais le roi n’est pas là, il est le seul sur qui Inga peut compter. Il sait que sa présence ici va encore alimenter les rumeurs. Il n’a échappé à personne au château que le roi et la reine n’étaient pas proches, que cette dernière passait la plupart de son temps libre dans la bibliothèque en sa compagnie et l’avait même nommé bibliothécaire royal peu après son couronnement.

Cependant, il n’avait pas eu le temps d’y penser d’avantage à ce moment là : après d’autres cris de douleurs, la reine avait fini par donner naissance à une petite fille. Il avait alors observé en sa compagnie ce petit être rose, sale et vagissant comme si il s’agissait d’une des merveilles du monde, ses larmes se joignant à celle d’Inga.

Cette petite fille, cette petite princesse n’était peut-être pas de son sang, mais à l’instant même où il avait posé les yeux sur elle, il avait su qu’il l’aimerait comme un père et qu’il donnerait tout pour elle, pour sa mère, qu’il se comporterait envers elle comme le prince qu’ils n’avaient jamais pu avoir.

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32 ans

Il s’ennuyait ferme. Il ne voulait pas être ici, ils ne voulaient pas êtres ici. Mais le roi avait donné un énième bal, pour s’amuser et Inga n’avait pas eu le choix que d’être à ses côtés pour remplir son rôle de reine et lui était venu lui tenir compagnie. Si il avaient eu le choix, ils seraient restés à veiller sur le sommeil de la petite Katioucha, leur petit trésor. Mais ils sont là, coincés, à observer les autres s’amuser, insouciants. Ils pourraient s’éclipser. Ils pourraient en profiter pour partir dans la nuit, eux, Katioucha et Kara, partir n’importe où et recommencer une nouvelle vie. Ça serait de la folie, ils le savent. Les gardes ne mettraient pas longtemps avant de les rattraper, ils écoutent aussi les rumeurs et n’attendent qu’une occasion pour les coincer et les arrêter, pour entrer dans les bonnes grâces du roi. Valia n’est même pas un roi aimé, mais il est à la tête d’un puissant royaume et face à l’argent tout le monde s’incline devant lui.

Ils avaient finit par se retirer, sans attirer l’attention de personne. Qui les remarquaient ici de toutes les façons ? Tous n’avaient d’yeux que pour Valia, ils ne pouvaient pas lui retirer ça, il savait attirer l’attention des autres sur lui. Ils s’apprêtaient à gagner les appartement royaux pour retrouver Katioucha et Kara quand une voix les interpella.

« Attendez ! S’il-vous-plaît ! »

Anikeï s’était retourné lentement. Cette voix… elle lui était terriblement familière et pourtant il ne l’avait pas entendue depuis longtemps.

« Est-ce toi mon chat sauveur ? »

Il avait sentit ses jambes fléchir alors qu’il reconnaissait le prince Léonid. Ce dernier s’était précipité vers lui, s’était rapidement incliné devant Inga avant de lui prendre les mains.

« Je n’arrive pas à y croire ! Que faites-vous ici ? Je ne pensais plus jamais vous revoir ! »

Lui non plus ne pensait plus jamais revoir le prince. Reprenant ses esprit, il parvint à balbutier :

« Je… c’est une longue histoire votre altesse.
- Vraiment ? Je serai curieux de l’entendre ! »

Il y avait toujours ce même éclat dans le regard sombre du prince, ce même éclat qui était en train de tout embrouiller chez Anikeï. Inga était alors intervenue.

« C’est une longue histoire en effet… vous devriez aller vous installer à la bibliothèque. Pour ma part je vais me retirer dans mes appartements. Passez une bonne soirée. »

Elle était ensuite partie non sans lancer à Anikeï un regard entendu et il n’avait pas eu le choix que de conduire le prince Léonid à la bibliothèque, heureusement vide.

« Tout à commencé à cause de vos bottes votre altesse... »

Si le prince Léonid avait commencé par sourire à la mention des bottes, il avait vite finit par disparaître au cours de son récit, laissant place à une mine affligée.

« Je pensais que ce cadeau vous porterait chance … je suis désolé d’apprendre vos malheurs. »

Anikeï aurait voulut lui dire de ne pas se tourmenter, que les choses finiraient par s’arranger. A la place, il ne parvint qu’à se mettre à pleurer devant le constat de sa triste vie. Le prince Léonid s’était approché de lui pour le prendre dans ses bras et il n’avait pas trouvé la force de protester. Ils étaient resté ainsi un moment, puis le prince avait esquissé un mouvement pour déposer un baiser sur sa joue, mais Anikeï avait tourné la tête et leurs lèvres s’étaient rencontrées. C’était un baiser doux et chaleureux, qu’il n’avait pas envie d’interrompre. Parce qu’à ce moment là, alors qu’il était dans les bras du prince Léonid et que ce dernier resserrait doucement ses bras autour de lui et laissait traîner ses lèvres contre son cou, Anikeï ressentait naître en lui cet espoir qu’il pensait enterré depuis longtemps, celui qu’il avait ressentit il y a des années quand ils s’étaient embrassés pour la première fois, celui qu’il pouvait croire au prince charmant, même pour une nuit.

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34 ans

Combien d’années lui a-t-il fallut pour se rendre compte que la seule différence qui existait entre les princes et les montres était que les derniers ne se cachaient pas sous un beau visage, ne portaient pas de couronnes ni d’épées. Beaucoup trop de temps et qui pourrait l’en blâmer. Depuis la nuit des temps, les princes sont glorifiés, bercent les nuits des enfants pour les rassurer.

Aujourd’hui il voudrait leur hurler de se méfier des princes, bien plus que les monstres, mais il ne peut pas, parce qu’il est en ce moment même à la merci d’un de ces princes ou monstres, c’était la même chose en fin de compte.

Tout était sûr le point de se terminer.

Quelques instants auparavant il était installé derrière son bureau à consulter quelques missives concernant les affaires du royaume. Comme Valia ne se souciait pas de ça, ses conseillers, la reine et lui même s’en chargeaient à sa place. Sans eux, le royaume serait complètement ruiné. Kara ronronnait à ses côtés et il se réjouissait de bientôt terminer pour retrouver Inga et Katioucha.

Puis, à sa plus grande surprise, Valia était entré. Ils ne s’étaient presque plus adressés la parole depuis son couronnement, des années plus tôt.

« Tu pensais que je ne m’en rendrais jamais compte ? »

Sa voix était froide et Anikeï avait tout de suite compris que ça n’augurerait rien de bon pour lui.

« Pardon ?
- Ne fait pas l’innocent ! Tu t’es bien fichu de moi !
- Mais à quel sujet ? 
- Katioucha. »

Anikeï le regardait sans comprendre. Depuis quand Valia se souciait-il de sa fille ? C’est à peine si il lui accordait un regard, il était un étranger pour elle.

« Elle est de toi pas vrai ? » 

Ainsi donc, les rumeurs avaient fini par lui parvenir. Le visage de Valia arborait une expression de colère comme il n’en avait jamais vu auparavant.

« Ce ne sont que des rumeurs, je te l’assure ! Des ragots sans importance ! Je te le jure sûr ma propre vie... »

Valia avait alors tapé du poing sur le bureau avec rage !

« Menteur ! Tu étais jaloux de moi parce que je suis devenu roi, alors tu as séduit ma femme c’est ça ? C’est ta vengeance pour n’être resté qu’un rien du tout alors que moi je suis devenu roi ? »

Une fureur malsaine brillait dans les yeux de Valia. Kara s’était mis à feuler dans sa direction.

« Je n’ai rien fait de tout cela… je n’accomplis juste que ce que tu es incapable de faire !
- Fait attention… je te rappelle que je suis le roi, je pourrai te faire exécuter pour trahison si je le voulais.
- Tu n’as rien d’un roi ! Et je te rappelle que c’est grâce à moi que tu portes cette couronne ! Tu… »

Il n’avait pas pu terminer sa phrase. Valia avait contourné le bureau et s’était jeté sur lui, ses mains s’étaient enserrées autour de sa gorge tout en lui hurlant de se taire. Coincé entre lui et le bureau, il se débattait mais l’air lui manquait tout comme ses forces. Sa fidèle Kara s’était élancée sur Valia dans une tentative de sauver son maître mais Valia l’avait envoyer valser plus loin d’un geste de la main, avant de resserrer sa prise sur la gorge d’Anikeï. Alors qu’il se sentait partir, Valia s’était soudainement écroulé par terre.

Anikeï s’était également laissé tomber, toussant, tâchant de reprendre l’air, avant de fixer la flaque de sang qui se formait sous le corps de Valia sans comprendre.

Il lui avait fallut un moment pour réaliser que dans sa lutte pour échapper à Valia, sa main s’était refermée sur le coupe-papier qui lui avait servit à ouvrir les missives et que dans une tentative désespéré pour se protéger, il l’avait enfoncé dans le cœur de son ancien ami. Qu’il venait de le tuer.

Il était resté longtemps sur le sol, incapable de bouger, même quand Kara – qui avait juste été assommée – l’avait rejoint et s’était mise à lui mordiller les oreilles comme pour lui dire de se lever et de courir loin, avant que quelqu’un n’arrive.

La porte s’était ensuite ouverte sur Inga. Elle aussi s’était figée en découvrant la macabre scène avant de reprendre vite ses esprits. Prenant garde à éviter le cadavre de son défunt mari, elle avait entraîné Anikeï plus loin et l’avait doucement secoué.

« Anikeï… tu m’entends ? »

Il était alors sortit de sa torpeur.

« Oh mon dieu Inga… je suis désolé… c’était un accident, je le promets, je…
- Je te crois mon cher petit chat… mais les gardes ne te croiront pas. Même si j’interviens, tu ne seras pas pardonné, malheureusement. Il faut que tu partes ou on tu seras exécuté.
- Alors viens avec moi. Prends Katioucha avec toi et partons.
- Ce n’est pas possible. Je suis la reine. Je ne peux pas abandonner mon peuple. »

Elle avait alors sortit une étrange clef de sa poche.

« Il y a quelques mois de ça un étrange marchand m’a vendue cette clef en m’affirmant qu’elle était magique et me permettrait de m’installer dans un pays où je pourrais tout recommencer depuis le début. Je voulais que nous l’utilisions tous ensemble quand Katioucha serait un peu plus grande mais tu n’as plus le choix désormais, il faut que tu partes loin d’ici.
- Mais je ne veux pas vous quitter ! »

Il ne voulait pas partir, laisser les deux personnes qu’il aimait le plus au monde dans ce nid de vipères, avant de réaliser que si il restait ça ne changerait pas grand-chose, mis à part qu’Inga serait forcée de le voir pendu au bout d’une corde.

Il n’avait pas d’autre choix que de partir, pour ne jamais revenir. C’était le prix à payer pour cette clef, pour sa naïveté, pour avoir voulu descendre de sa barque.

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Il avait longtemps cru aux princes charmants, s’était bercé d’illusions, avait rêvé trop grand. La réalité l’avait rattrapé de plein fouet.

Il avait compris la leçon. Désormais ici il ne serait rien de plus qu’un pêcheur parmi tant d’autres au Refuge de Barbe-Brume.

Pourtant le soir, alors qu’il regagnait la maison qu’il s’était bâtit en compagnie de sa fidèle Kara qu’il n’avait pu résoudre à laisser derrière lui, la nostalgie le gagnait et devant lui dansait les images de ceux qui avaient compté pour lui : sa famille, Inga, Katioucha, Léonid. Il n’avait même pas eu l’occasion de leur accorder des adieux décents. Qu’étaient-ils devenus après toutes ses années ? La question tourmentait ses nuits.

Et le matin venu, il laissait les fantômes de son passé chez lui pour rejoindre sa barque et ne redevenir qu’un simple pêcheur.

Le chat botté

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